Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/55

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niser des moyens plus réguliers, ces moyens ont eu fréquemment le même résultat violent et désordonné.

Les Crétois avaient inventé une insurrection en quelque sorte légale, par laquelle on déposait tous les magistrats, et plusieurs publicistes les en louent[1]. Une loi d’Athènes permettait à chaque citoyen de tuer quiconque dans l’exercice d’une magistrature aurait attenté à la liberté de la république[2]. La loi de Valérius Publicola avait à Rome le même but. Les Florentins ont eu leur Ballia, ou conseil extraordinaire, créé sur l’heure, et qui, revêtu de tous les pouvoirs, avait une faculté de destitution universelle[3]. Mais dans toutes ces constitutions, le droit de destituer le pouvoir exécutif flottait, pour ainsi dire, à la merci de quiconque s’en emparait, et celui qui sen emparait le saisissait, non pour détruire,

    presse, liberté de tribune, liberté d’association, liberté de l’individu, liberté du commerce, liberté de production et de consommation. Mais en pratique et chez un peuple vieilli et nombreux, ce n’est plus cela. La dispute, qui n’a ni frein ni fin, y devient ardente sur tous les points et entre toutes personnes. C’est à qui n’obéira pas et, par conséquent, à qui commandera. On veut plus qu’une Chambre grande, la plus grande possible, afin que chacun puisse y entrer. On la veut omnipotente, afin qu’elle puisse à la fois légiférer et gouverner. On la veut unique, afin qu’elle n’ait point d’arrêt ni de rivale. On veut un pouvoir exécutif composé de plusieurs membres, pour que chaque député ait la chance d’en faire partie à son tour. » — En reproduisant ces réflexions de M. de Cormenin, nous n’avons pas besoin d’ajouter qu’elles s’appliquent particulièrement à la France. L’exemple de l’Amérique prouve que la république peut donner à un peuple la prospérité, la sécurité et la force, mais pour arriver à ce résultat, il faut que ce peuple soit composé de citoyens vraiment dignes de ce nom. Avons-nous jusqu’à présent mérité cet éloge ? et n’avons-nous pas trop souvent donné l’exemple du mépris de la justice et des lois ? C’est ce mépris qui a été la cause de tous nos malheurs, et qui nous a conduits aux catastrophes de la Commune.

    (Note de l’éditeur.)

  1. Filangieri, I, 10. Montesquieu, Esp. des Lois, VIII, II.
  2. Petit, de Leg. Att. III, 2.
  3. Machiavel, passim.