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IV


DE LA SUSPENSION ET DE LA VIOLATION DES CONSTITUTIONS.

Durant le cours de notre révolution, nos gouvernements ont fréquemment prétendu qu’ils avaient le droit de violer la constitution pour la sauver. Le dépôt constitutionnel, ont-ils dit, nous est confié ; notre devoir est de prévenir toutes les atteintes qui pourraient lui être portées : et, comme le prétexte de prévenir quoi que ce soit permet tout, nos autorités, dans leur prévoyance préservatrice, démêlant toujours, au fond de toutes les réclamations et de toutes les résistances, de secrets desseins et des intentions perfides, ont généreusement pris sur elles de faire un mal certain pour éviter un mal présumé.

C’est ainsi que le directoire, après avoir commencé par la loi d’exception du 3 brumaire, a été conduit jusqu’au 18 fructidor. C’est ainsi que Bonaparte, après avoir commencé par la mesure d’exception qui éliminait le tribunat, a fini par l’empire : et déjà, sous le règne de la charte, on a insinué que son quatorzième article donnait au gouvernement le droit de tout faire. Cette logique ressemble assez à celle du berger dans l’Avocat Patelin. Mais, comme ici le ridicule est sans préjudice de l’odieux, il est bon de réfuter sérieusement ce système.