Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/77

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Je ne me réunirai point aux détracteurs des républiques. Celles de l’antiquité, où les facultés de l’homme se développaient dans un champ si vaste, tellement fortes de leurs propres forces, avec un tel sentiment d’énergie et de dignité, remplissent toutes les âmes qui ont quelque valeur, d’une émotion d’un genre profond et particulier. Les vieux éléments, d’une nature antérieure, pour ainsi dire, à la nôtre, semblent se réveiller en nous à ces souvenirs. Les républiques de nos temps modernes, moins brillantes et plus paisibles, ont favorisé d’autres développements de facultés et créé d’autres

    sous Charles IX ? Y avait-il de la liberté sous les décemvirs, sous le long parlement, sous la convention ou même le directoire ? L’on peut concevoir un peuple, gouverné par des hommes qui paraissent de son choix, et ne jouissant d’aucune liberté, si ces hommes forment une faction dans l’État, et si leur puissance est illimitée. On peut aussi concevoir un peuple, soumis à un chef unique, et ne goûtant aucun repos, si ce chef n’est contenu ni par la loi ni par l’opinion. D’un autre côté, une république pourrait se trouver tellement organisée, que l’autorité y fût assez forte pour maintenir l’ordre ; et quant à la monarchie, pour ne citer qu’un exemple, qui osera nier qu’en Angleterre, depuis cent vingt ans, l’on n’ait joui de plus de sûreté personnelle et de plus de droits politiques que n’en procurèrent jamais à la France ses essais de république, dont les institutions informes et imparfaites disséminaient l’arbitraire et multipliaient les tyrans ?

    Que de questions de détail, d’ailleurs, dont chacune serait nécessaire à examiner ! La monarchie est-elle la même chose, suivant que son établissement remonte à des siècles reculés, ou date d’une époque récente ; suivant que la famille régnante est de temps immémorial sur le trône, comme les descendants de Hugues Capet, ou qu’étrangère par son origine, elle a été appelée à la couronne par le vœu du peuple, comme en Angleterre, en 1688, ou qu’elle est enfin tout à fait nouvelle, et sortie, par d’heureuses circonstances, de la foule de ses égaux ; suivant encore que la monarchie est accompagnée d’une ancienne noblesse héréditaire, comme dans presque tous les États de l’Europe, ou qu’une seule famille s’élève isolément, et se voit forcée de créer à la hâte une noblesse sans aïeux ; suivant que cette noblesse est féodale, comme en Allemagne ; purement honorifique, comme elle l’était en France ; ou qu’elle forme une sorte de magistrature, comme la Chambre des pairs, etc., etc. ?