Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/80

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transmettre, mais le trône dont on a hérité. On n’est monarque héréditaire qu’après la seconde génération. Jusques alors, l’usurpation peut bien s’intituler monarchie ; mais elle conserve l’agitation des révolutions qui l’ont fondée. Ces prétendues dynasties nouvelles sont aussi orageuses que les factions, ou aussi oppressives que la tyrannie. C’est l’anarchie de Pologne, ou le despotisme de Constantinople. Souvent c’est tous les deux.

Un monarque montant sur le trône que ses ancêtres ont occupé suit une route dans laquelle il ne s’est point lancé par sa volonté propre. Il n’a point sa réputation à faire ; il est seul de son espèce : on ne le compare à personne. Un usurpateur est exposé à toutes les comparaisons que suggèrent les regrets, les jalousies ou les espérances ; il est obligé de justifier son élévation : il a contracté l’engagement tacite d’attacher de grands résultats à une si grande fortune ; il doit craindre de tromper l’attente du public, qu’il a si puissamment éveillée. L’inaction la plus raisonnable, la mieux motivée, lui devient un danger. Il faut donner aux Français tous les trois mois, disait un homme qui s’y entend bien, quelque chose de nouveau : il a tenu parole[1].

Or, c’est sans doute un avantage que d’être propre à de grandes choses, quand le bien général l’exige ; mais c’est un mal que d’être condamné à de grandes choses pour sa considération personnelle, quand le bien général ne l’exige pas. L’on a beaucoup déclamé contre les rois fainéants. Dieu nous rende leur fainéantise, plutôt que l’activité d’un usurpateur !

Aux inconvénients de la position joignez les vices du caractère, car il y en a que l’usurpation implique, et il y en a encore que l’usurpation produit.

  1. Napoléon. (Note de l’éditeur.)