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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/50

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plus d’espérance, et ce qui est horrible, insupportable, je ne peux plus vous estimer. Ceux qui voulaient me défendre contre les inculpations publiques dont on vous chargeait, ont achevé de m’accabler par le genre de preuves qu’ils alléguaient. Vous étiez plus que jamais attaché à Mme de Staël. Votre ami T… dit à qui veut l’entendre que le jour où vous avez dîné chez lui avec elle, vous la regardiez avec une avidité inconcevable, que vous sembliez dévorer de vos yeux tout ce qui l’approchait. Celui qui répète ce propos ne saurait être suspect. Mais, grands Dieux, de quoi vais-je m’occuper ? votre conduite ne m’apprend-elle pas l’affreuse vérité ? Au milieu des emportements, des reproches, des menaces, je n’ai senti, je n’ai pensé qu’à votre inconcevable perfidie. Est-ce vous qui m’osez écrire une pareille lettre, et ne vous souvenez-vous plus de toutes celles que vous m’avez écrites ? Qu’il eût bien mieux valu me dire : « Je vous ai trompée. Je ne vous aimais pas autant que j’ai voulu vous le persuader, peut-être me suis-je trompé moi-même… » Je veux répondre à quelques-unes des phrases artificieuses de votre lettre. « Je n’ai ni le pouvoir ni la fortune qui en impose, et qui réconcilie aux choses bizarres, je n’ai que la considération d’un caractère froid, sévère et indépendant : un coup de tête me l’enlèverait. » Qu’appelez-vous un coup de tête ? est-ce de m’aimer,