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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/75

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de mon triste intérieur m’ont jetée dans un tel découragement, que j’ai vécu dans une sorte de torpeur que j’ai prise quelquefois pour du calme et peut-être pour de la raison. Vous ne pouvez entendre prononcer mon nom sans émotion, avez-vous dit à Rousselin. Le vôtre a déjà changé la manière dont j’envisageais les objets. Il a ramené de si tristes souvenirs et de si profonds regrets ! L’amie qui nous réunissait repose en paix dans la tombe[1], elle m’a laissé la douleur éternelle, irrémédiable. L’amour ne vient plus mêler ses tourments à mes chagrins, mais vous dois-je moins regretter, quand votre amitié pourrait répandre tant de bonheur sur chacun des instants de ma vie ? Ce n’est que sous ce dernier rapport que j’aime maintenant me considérer. Tout ce qui me ramène au sentiment qui m’a si longtemps dominée, me jette dans une tristesse affreuse et m’inspire même de l’effroi. Qu’il n’en soit jamais question entre nous. Regardez-moi comme une malade, échappée à une maladie mortelle, dont la convalescence a été longue et qui aura toute sa vie besoin de ménagements. Parlez-moi de vous en détail, et surtout dites-moi que vous êtes plus heureux que moi. Rousselin vous fera passer celle-ci et voudra

  1. Julie Talma, morte en 1805.