Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/127

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j’ai douze ans et quelques jours, cependant je ne m’aperçois pas de son empire ; si son œuvre est si faible, que sera-t-elle à vingt-cinq ans ?

Savez-vous, ma chère grand’mère, que je vais dans le monde deux fois par semaine ? J’ai un bel habit, une épée, mon chapeau sous le bras, une main sur la poitrine, l’autre sur la hanche, je me tiens droit et je fais le grand garçon tant que je puis. Je vois, j’écoute, et jusqu’à présent je n’envie pas les plaisirs du grand monde. Ils ont tous l’air de ne pas s’aimer beaucoup. Cependant le jeu et l’or que je vois rouler me cause quelque émotion ; je voudrais en gagner pour mille besoins que l’on traite de fantaisies. À propos d’or, j’ai bien ménagé les deux louis que vous m’avez envoyés l’année dernière ; ils m’ont duré jusqu’à la foire passée.


Lettres de Benjamin Constant à sa famille, etc. etc., par Jean-H. Menos, in-18, Albert Savine, Paris, 18, rue Drouot, 1888.