Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/43

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moquer un peu d’elle, j’avais en elle plus de confiance qu’en toute autre personne à Paris. Un jour je venais de perdre chez madame de Bourbonne tout l’argent que j’avais, et tout ce que j’avais pu jouer sur parole. Embarrassé de payer, je m’avisai de recourir à madame Saurin pour qu’elle me prêtât ce qui me manquait. Mais désapprouvant moi-même la démarche que je faisais, je lui écrivis au lieu de lui en parler, et je lui fis dire que je viendrais prendre sa réponse dans l’après-dînée. J’y fus en effet. Je la trouvai seule. Ma timidité naturelle, augmentée par la circonstance, fit que j’attendis longtemps qu’elle me parlât de mon billet. Enfin, comme elle ne m’en disait pas un mot, je me déterminai à rompre le silence, et je commençai en rougissant, en baissant les yeux, et d’une voix fort émue :

— Vous serez peut-être étonnée, lui dis-je, de la démarche que je fais. Je serais bien fâché de vous avoir donné contre moi des impressions défavorables par une chose que je ne vous aurais pas confiée, si votre affection si douce pour moi ne m’y avait encouragé : l’aveu que je vous ai fait et dont votre silence me fait craindre que vous ne soyez blessée, m’a été arraché par