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LETTRES DE BENJAMIN CONSTANT

mariage et les motifs qui m’ont engagé à ne pas le publier tout de suite, et qui m’engagent encore à n’en informer que mes parents et mes amis intimes. Je désire que ces motifs soient connus, sans que je paraisse avoir provoqué la confidence qui s’en fera de l’un à l’autre dans tout le public. Je ne demande pas mieux que d’être blâmé de la marche q : ie je suis, parce que ce blâme ne retombant que sur moi ne peut faire aucun tort à ma femme, et que je m’en relèverai par la suite. D’ailleurs, plus la chose circulera, même à mon désavantage momentané, plus je prouverai à Mme de S. qu’elle-même se fait tort en acceptant une chose qui nous nuit à tous deux, et je suis certain que je l’amènerai à une séparatiou amicale. 3° Mon père a écrit d’une manière nette et positive Mme de S.lui a répondu, ce qui m’a fait plaisir, parce que sa réponse constate ce qu’elle a nié à Constance, qu’elle sait mon mariage depuis deux mois. Mon père répondra, etdece côté-là aussi, Mme de S. trouvera des motifs impérieux de céder sans éclat à la nécessité.

Voilà ce que je désire, ma chère tante je ne me plaindrai pas, si l’on agit autrement parce que je n’ai pas le droit ni la prétention de diriger ceux qui veulent bien m’aimer un peu. Mais plus ils se rapprocheront de ce que je désire, plus ils me feront du bien. Vous direz, peut-être, ma chère tante, que tout ceci est contre nature et ne peut durer. C’est précisément parce que cela ne peut durer que je choisis cette marche. Vous direz qu’il y a de la duplicité dans ma conduite mais avec une personne passionnée, la duplicité qui épargne de la peine me paraît valoir mieux que la franchise qui ferait plus de mal.

Il ne me reste plus qu’un mot à ajouter, ma chère tante. C’est que l’un de mes vœux les plus ardents est que, dans les discussions qui ne peuvent manquer d’avoir lieu, on dise le moins de choses possibles défavorables à Mm0 de S. Je ne pourrai empêcher qu’on ne juge sévèrement son insistance pour me retenir chez