Page:Contribution à l'étude de la descendance des invertis.djvu/10

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manifestèrent à cette vue. Lorsque la puberté vint, ses goûts s’accentuèrent, il recherchait les camarades plus âgés que lui et paraissant les plus développés ; dans ses rêves érotiques, c’étaient de ces garçons qu’il s’agissait. D’ailleurs, depuis, pendant ses longues périodes de continence, il n’a jamais eu de rêves lubriques où une femme ait figuré à un titre quelconque. Dans ses rêves il s’agissait de contacts, de baisers, mais jamais de rapports sexuels. Il s’est livré à la masturbation, mais jamais en commun. Il se sentait poussé à rechercher des contacts, mais une sorte de terreur invincible le retenait. Ce n’est qu’à l’âge de seize ans qu’il comprit qu’il différait de ses camarades. Il s’en ouvrit à son confesseur, qui le rassura et l’encouragea à la chasteté. Livré à lui-même, il resta assujetti aux mêmes penchants ; la recherche des contacts le préoccupait moins qu’au collège, mais il éprouvait toujours les mêmes sensations, aussi bien dans le rêve que dans la veille.

Il comprit, dans certaines lectures, qu’il s’agissait d’un état morbide et que la médecine pourrait lui être de quelque secours. Mais il lui répugnait de découvrir ce qu’il considérait lui-même comme une tare. Il avait renoncé à la masturbation, il se sentait de force à rester chaste, il avait besoin de travailler, il garda son secret. Sa famille lui conseillait le mariage qui devait améliorer et assurer sa situation. Il consulta un médecin qui lui conseilla de s’exercer au coït, et lui affirmant que le goût lui en viendrait ; on lui prescrivit l’hydrothérapie et un régime excitant.

Ses idées religieuses se joignant à une répulsion instinctive, il fut longtemps à se décider. Mais la honte de ne pas pouvoir être père de famille, ni remplir ses devoirs sociaux, et peut-être aussi la curiosité, finirent par l’emporter. Il fit plusieurs essais infructueux : d’abord le dégoût l’empêcha de pousser la tentative jusqu’au bout ; puis, malgré sa bonne volonté, la défaillance se produisait au moment d’arriver au but. Une répugnance invincible suspendait ses essais. Il fut plus de six mois avant de réaliser un rapport complet. Ceux qu’il eut plus tard constituaient pour lui une tâche pénible. Il pensa que dans le mariage la plupart des raisons qu’il cherchait à se donner de ses répugnances n’existeraient plus, il se maria. Mais sa femme est restée pour lui un objet de répulsion qu’il ne peut dissimuler qu’au prix d’efforts dont il ne comprend plus la possibilité ; les caresses qu’il ne lui accordait que par devoir lui coûtaient des dégoûts et des efforts inénarrables ; les rapports complets ont été très rares, guère plus nombreux qu’il n’en a fallu pour obtenir les produits qu’il déplore. Ses penchants homosexuels se sont manifestés dans plusieurs circonstances où il fut en relation avec des hommes dont l’aspect correspondait à ses préférences ; mais jamais il ne s’est laissé aller à une démonstration quelconque. Depuis qu’il est veuf, il a toujours résisté à ses désirs, et il ne doute pas qu’il eût été capable de conserver le même empire sur lui-