Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/199

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— Je crois, dit John en riant, que, d’après l’empressement des filles et surtout celui des mères, on pourrait se dispenser du temps… ; quant à l’argent, c’est autre chose.

— Oh ! le temps n’est pas moins nécessaire. Croiriez-vous que je n’en ai jamais assez pour faire les choses en règle ? Je suis toujours pressé, et je vous serais fort obligé si vous pouviez m’indiquer une femme qui voulût m’épouser sans tous les préliminaires longs et fastidieux que mon goût et ma profession me font également prendre en horreur.

— Rien n’est plus facile, milord, dit John en souriant et pensant à Catherine Chatterton ; mais comment faites-vous en mer ? Commandez-vous les manœuvres comme vous voulez improviser un mariage… en courant ?

— Non, non, répondit gravement le capitaine ; là c’est bien différent ; tout suit une marche uniforme et régulière, et chacun ne pense qu’à remplir son devoir : mais à terre, c’est autre chose ; je ne suis qu’un oiseau de passage. Que la société que j’ai trouvée à L*** cette année m’a paru charmante ! Sept ou huit jours après le bal où je rencontrai vos aimables sœurs, j’allai à la chasse, et, à cinq milles environ du village, j’aperçus le plus joli petit ermitage, habité par une femme bien plus jolie encore, par une Espagnole, une Mrs Fitzgerald. Oh ! décidément, je l’adore !… Si polie, si douce et si modeste !

— Et comment Votre Seigneurie fit-elle sa connaissance ? demanda John un peu surpris.

— Par hasard, mon cher ami, par hasard ; il faisait très-chaud, je mourais de soif, et j’approchai de la maison pour y demander un verre d’eau. Mrs Fitzgerald était assise sous le péristyle. Toujours pressé par le temps, comme vous savez, je ne m’amusai pas à me faire annoncer ; j’espérais profiter quelque temps de la bonne fortune que je devais au hasard ; mais en une minute elle m’eut fait donner quelques rafraîchissements, et je fus éconduit le plus promptement et le plus poliment possible. Mais je parvins à savoir son nom dans une maison voisine.

Pendant le récit de Stapleton, John avait fixé ses regards sur celui de ses compagnons de voyage qui était en face de lui. Il paraissait avoir environ soixante ans ; il était criblé de petite vérole ; sa taille droite avait toute la raideur d’un ancien militaire, et son costume était celui d’un homme comme il faut. Son teint était