Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/208

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pable de la témérité de s’arroger un titre en présence de ceux qu’il respectait le plus. M. Benfield prit la lettre avec un empressement qui indiquait assez le vif intérêt qu’elle lui inspirait, tandis qu’Émilie, tremblante d’émotion et d’une voix mal assurée, disait au vieux serviteur en lui apportant un verre de vin :

— Prenez, Peter, cela vous fera du bien.

— Je vous remercie, miss Emmy, dit Peter en promenant alternativement ses regards sur elle et sur son maître, qui, dès qu’il eut fini de parcourir sa lettre, s’écria avec un mélange singulier de chagrin et de bonté :

— Johnson, changez d’habits sur-le-champ, ou vous prendrez du froid ; vous ressemblez maintenant au vieux Moïse, le juif mendiant.

Peter soupira profondément en entendant cette comparaison, et il y vit une confirmation de toutes ses craintes ; car il fallait qu’il eût été porteur de bien mauvaises nouvelles pour que son maître eût trouvé qu’il ressemblait au vieux Moïse, qui était l’objet de son aversion.

Le baronnet suivit son oncle dans sa bibliothèque, et il y entra en même temps que l’intendant, que son maître avait appelé à la conférence. Après avoir montré une chaise à son neveu, M. Benfield dit :

— Peter, vous avez vu M. Denbigh ; comment l’avez-vous trouvé ?

— Comme à l’ordinaire, Monsieur, dit Peter laconiquement et un peu piqué de sa ressemblance avec le vieux Moïse.

— Et qu’a-t-il dit de mon offre ? A-t-il fait quelques commentaires ? Il n’en a pas été offensé, j’espère ?

— Il n’a rien dit de plus que ce qu’il a écrit à Votre Honneur, répondit Peter, oubliant la petite mortification qu’il venait d’éprouver, en voyant l’inquiétude de son maître.

— Puis-je vous demander en quoi consistait votre offre ? demanda le baronnet à son oncle. Celui-ci le regarda un moment en silence, et lui dit : — Certainement : vous devez vous intéresser à son bien-être ; votre fille… Le vieillard s’arrêta, chercha dans ses papiers, et remit à son neveu la copie de la lettre qu’il avait écrite à Denbigh.


« Mon cher monsieur Denbigh,

« Votre départ subit d’une maison que je commençais à espérer