Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/255

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plus tôt où il avait à remplir un double devoir comme fils et comme ministre de l’évangile.

Lady Herriefield reçut sa mère avec un plaisir mêlé d’amertume ; mais elle ne put dissimuler une sorte de frayeur en voyant ses trois compagnons de voyage. Ces derniers n’eurent pas de peine à deviner que leur arrivée n’était point attendue par le vicomte, et qu’il était douteux qu’elle lui fût agréable. Un seul jour passé dans la maison de ces nouveaux époux suffit pour les convaincre que jamais le bonheur n’y avait habité.

Du moment où lord Herriefield soupçonna qu’il avait été dupe des artifices de la douairière et de Catherine, il ne vit plus cette dernière qu’avec la prévention la plus défavorable. Il connaissait trop le monde pour ne pas découvrir bientôt l’égoïsme et la frivolité de sa femme ; et comme elle ne croyait avoir aucun défaut, elle ne faisait aucun effort pour les cacher. Son désir de plaire n’avait eu que le mariage pour but ; elle avait réussi ; que lui restait-il à faire ? Si le vicomte avait eu seulement pour elle les égards que tout homme bien né doit à une femme, elle se fût trouvée heureuse de partager son rang et sa fortune. Mais dès qu’ils étaient seuls, Catherine avait beaucoup à souffrir des emportements de son mari qui voulait la punir d’avoir mis en défaut la connaissance parfaite qu’il croyait avoir du caractère des femmes.

Un des privilèges dont les hommes sont le plus jaloux, c’est celui de se choisir une épouse sans se laisser influencer par qui que ce soit ; et ceux même qui souvent n’ont été guidés dans leur choix que par le goût des autres se persuadent qu’ils n’ont suivi que le leur, et ils ne sont heureux qu’autant qu’ils le croient. Mais lord Herriefield avait perdu cette flatteuse illusion ; et au mépris qu’il sentait pour sa femme, se joignait beaucoup d’humeur contre lui-même de n’avoir pas été plus clairvoyant.

Comme le malheureux objet de sa colère était complètement en son pouvoir, le vicomte semblait déterminé à ne lui laisser aucun sujet de s’applaudir du succès de ses artifices. Naturellement jaloux, il l’était devenu bien davantage uni à une femme qui ne l’aimait pas, et dont les principes n’étaient point établis sur une base solide.

Privée de tous plaisirs, accablée de reproches qu’elle ne savait point repousser, ne jouissant d’aucun des avantages que sa mère