Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/279

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— Il faut que cette Émilie Moseley soit une personne accomplie, s’écria sa sœur en parcourant de nouveau la lettre de Julia : trois lettres différentes qui toutes trois contiennent son éloge !

Le comte ne répondit rien, mais, rouvrant la lettre du duc, il parut en étudier avec soin le contenu. Ses traits subissaient une légère altération, tandis qu’il commentait le sens de quelques passages. Enfin, se tournant vers sa sœur, il lui demanda en souriant si elle n’avait pas envie d’aller respirer l’air du Westmoreland pendant une couple de semaines.

— Comme vous voudrez, milord, répondit-elle tandis que ses joues se couvraient du plus vif incarnat.

— Eh bien ! nous irons donc, puisque vous me laissez maître. Je désire beaucoup voir Derwent, et j’ai un certain pressentiment qu’il se célébrera une noce pendant notre visite. Il sonna pour qu’on vînt emporter le déjeuner auquel ils avaient à peine touché. Après avoir donné ordre qu’on lui préparât un cheval, il quitta sa sœur pour faire, lui dit-il, une courte promenade dans les environs ; et il s’éloigna suivi d’un seul domestique, ancien militaire qui l’avait accompagné dans toutes ses campagnes.

Le jeune pair, livré à ses réflexions, laissa prendre à son cheval le chemin qu’il préférait, et il le laissait errer à l’aventure au grand étonnement de son fidèle serviteur, qui ne concevait pas que son maître, l’un des meilleurs cavaliers d’Angleterre, ne mît pas plus de soin à soutenir la réputation qu’il s’était faite. Cependant dès que le comte fut hors de son parc, et qu’il se vit au milieu des fermes et des chaumières qui entouraient le château, il sortit de sa rêverie, et parut jouir du beau spectacle que lui offrait la nature.

Pendant trois heures, il parcourut la vallée magnifique qui se prolongeait devant le château ; et si des visages rayonnants de joie et de plaisir à la vue du jeune lord, si des questions adressées du fond du cœur sur sa santé et sur celle de sa sœur, si le détail fait avec autant de franchise que de respect de leur prospérité ou de leurs infortunes, peuvent donner une juste idée des sentiments des paysans et des fermiers pour leur seigneur, jamais seigneur ne fut plus aimé et ne fut plus digne de l’être.

L’heure du dîner approchait, et le comte reprit le chemin du château. En rentrant dans le parc, n’ayant plus sous les yeux le spectacle animé de l’industrie laborieuse, il retomba dans ses rê-