Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/287

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sement évité tout ce qui aurait pu l’amener à parler de son jeune ami, et le docteur de son côté paraissait craindre autant qu’elle que la conversation tombât sur Denbigh.

— Les espérances qu’il avait conçues sont trompées comme les nôtres, pensait la veuve, et il craint tout ce qui pourrait lui rappeler un souvenir pénible. Il a été témoin de ses attentions pour Émilie, il est instruit de son mariage avec lady Laura, et, comme il a beaucoup d’attachement pour nous tous, et en particulier pour Émilie, il est blessé d’une telle conduite.

— Sir Edward ! s’écria M. Haugthon en riant, savez-vous que, si cela continue, les barons vont devenir très-communs ? Avez-vous entendu dire combien nous avons été près d’en avoir un de nouvelle fabrique dans notre voisinage ?

Sir Edward ayant répondu négativement, son vieil ami ajouta :

— Ce n’était rien moins que le capitaine Jarvis qui ambitionnait ce titre.

— Le capitaine Jarvis ! répéta-t-ou autour de lui ; expliquez-vous, monsieur Haughton.

— Mon plus proche voisin, le jeune Walker, ayant été à Bath pour sa santé, n’a pas voulu revenir à B*** sans y rapporter quelques nouvelles bien surprenantes, ou quelque histoire bien scandaleuse.

Lady Jarvis, car elle a pris ce titre depuis qu’elle nous a quittés, voulait à toute force faire un lord de son héritier, et pendant six mois ils unirent tous leurs efforts pour économiser une somme capable de séduire le ministre, et de l’engager à honorer la pairie d’un illustre personnage.

Bientôt après, la fille de notre ancien ami, William Harris, entra dans le complot, et avança même environ 200 livres pour concourir à une si belle œuvre. Quelques circonstances cependant venant éveiller les soupçons de Caroline, elle demanda à être mise plus au courant des affaires. Le capitaine avait prévariqué ; miss Harris se plaignit, jusqu’à ce que celui-ci, avec plus de véracité que de politesse, lui dît qu’elle était folle ; que l’argent, il l’avait dépensé ou perdu au jeu, et qu’elle ne devait pas croire que le ministre et lui fussent assez sots, le premier pour le faire baron, et lui pour l’épouser. Enfin elle vit qu’il l’avait prise pour dupe.

John écoutait cette histoire avec un véritable délice, et impatient de tout savoir il dit :