Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/40

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— Eh bien ! le colonel ?

— Il s’admire à un tel point, il paraît si content de sa personne, que je crois bien que ce serait prendre une peine inutile que de tenter de le réformer.

— Vous croyez donc qu’il a besoin de réforme ?

— S’il en a besoin ! s’écria Émilie en jetant sur sa tante un regard où se peignait de plus en plus la surprise. Vous n’étiez donc pas là lorsqu’il nous parlait de ces poèmes, et qu’il nous en citait des passages que j’aurais bien voulu ne pas entendre ? Dieu ! quelles maximes et quels principes ! N’a-t-il pas raconté à Jane l’histoire d’une jeune personne qui avait abandonné son père pour son amant ? et ne semblait-il pas l’approuver encore, au lieu de condamner son manque de piété filiale ? Ah ! j’en suis bien sûre, si vous l’aviez entendu, il ne vous plairait pas tant.

— À merveille, ma chère Émilie ; je ne voulais que connaître vos sentiments, et je suis charmée de voir que vous soyez aussi raisonnable. Oui, vous avez bien raison, le colonel semble oublier qu’il y ait quelque chose qu’on appelle morale et principes au monde, ou plutôt ses principes se bornent à un seul, celui de plaire. Voilà son unique but : pourvu qu’il y parvienne, tous les chemins lui paraissent bons.

En disant ces mots, Mrs Wilson embrassa tendrement sa nièce, et se retira dans sa chambre avec la douce assurance qu’elle n’avait point semé sur un terrain stérile, et que, grâce aux sages leçons de vertu qu’elle avait données à sa nièce dès sa plus tendre enfance, Émilie sortirait toujours triomphante des épreuves auxquelles est mise à chaque instant la fragilité de son sexe.



CHAPITRE VII.


Les ruses de l’amour sont vieilles comme le monde, et elles trompent toujours, parce qu’elles n’attaquent que les jeunes cœurs.
Gay.


Un mois s’écoula dans les amusements ordinaires de la campagne, et pendant ce temps lady Moseley et Jane manifestèrent