Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/9

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d’être conséquente avec elle-même. Cependant il était difficile de la connaître sans l’aimer, et elle remplissait, sinon avec discernement, du moins avec zèle, ses devoirs de mère de famille.

La sœur de sir Edward avait été mariée fort jeune à un militaire que ses devoirs retenaient bien souvent éloigné d’elle, et dont l’absence la laissait en proie à toutes les inquiétudes que peut inspirer l’amour le plus tendre ; elle ne parvenait à les tromper un moment qu’en cherchant à répandre le bonheur autour d’elle, et en se livrant à la bienfaisance la plus active. Ses craintes n’étaient que trop fondées : son mari fut tué dans un combat ; la veuve désolée se retira du monde, et ne trouva de consolation qu’au sein de la religion, qui seule pouvait lui offrir encore quelque perspective de bonheur dans l’avenir. Ses principes étaient austères ; rien n’aurait pu les faire fléchir, et ils étaient peu en harmonie avec ceux du monde. Tendrement attachée à son frère et à ses enfants, Mrs Wilson, qui n’avait jamais eu le bonheur d’être mère, avait cédé à leurs instances pour venir faire partie de la famille ; et quoique le général Wilson lui eût laissé un douaire magnifique, elle abandonna sa maison et consacra tous ses soins à former le cœur et l’esprit de la plus jeune de ses nièces. Lady Moseley lui avait entièrement confié l’éducation de cette enfant, et l’on pensait généralement qu’Émilie hériterait de toute la fortune de sa tante.

Lady Moseley avait été, dans sa jeunesse, célèbre pour sa beauté. Tous ses enfants lui ressemblaient, mais plus particulièrement encore la jeune Émilie. Cependant, malgré la grande ressemblance qui existait entre les trois sœurs, non seulement au physique, mais même au moral, il y avait dans leur caractère des nuances assez sensibles et assez distinctes pour faire présager qu’elles auraient des destinées bien différentes.

Depuis plusieurs années il existait, entre les familles de Moseley-Hall et du presbytère, une étroite intimité fondée sur l’estime et sur l’ancienneté de leur connaissance. Le docteur Yves était un homme du plus grand mérite et d’une profonde piété ; il possédait, outre les revenus de sa cure, une fortune indépendante que lui avait apportée sa femme, fille unique d’un officier très-distingué dans la marine. Ces respectables époux s’unissaient pour faire le plus de bien qu’ils pouvaient à tout ce qui les entourait. Ils n’avaient qu’un enfant, le jeune Francis, qui pro-