Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/112

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des années sur ce travail, qui a plus de valeur que la matière sur laquelle il fut fait. La faible fille de la solitude pleura lorsqu’elle se sépara de ce tissu, car il avait à ses yeux le mérite d’un objet auquel on est habitué. Une personne qui vit dans la confusion du monde perdrait un ami avec un chagrin moins profond que ne le fut celui de cette douce habitante du cloître en se séparant de l’ouvrage de ses mains.

— Et est-il permis aux personnes de votre sexe de visiter ces retraites religieuses ? demanda Alida. Je descends d’une race qui a peu de respect pour la vie monastique, car nous sommes des réfugiés qui se sont soustraits à la sévérité de Louis XIV ; cependant je n’ai jamais entendu mon père leur reprocher de montrer si peu de déférence à leurs vœux.

— Le fait me fut ainsi répété, car certainement mon sexe n’est point admis à commercer directement avec les modestes sœurs (un sourire, qu’Alida était moitié disposée à trouver ironique, effleura les lèvres de l’étranger), mais il me fut ainsi rapporté. Quelle est votre opinion sur le mérite des femmes qui cherchent un refuge contre les soins et les péchés du monde dans les institutions de cette espèce ?

— En vérité, cette question surpasse mes connaissances. Ce n’est point ici un pays où l’on enferme les femmes, et cet usage occupe peu nos pensées en Amérique.

— Cette coutume à ses abus, continua l’étranger d’un air pensif, mais elle a aussi son bon côté. Il y a beaucoup de femmes, parmi les faibles et les vaines, qui seraient plus heureuses dans les cloîtres qu’exposées aux séductions et aux folies de la vie. Ah ! voici un travail sorti de mains anglaises, je ne sais pas comment cet article se trouve en compagnie des produits de métiers étrangers. Mes ballots contiennent peu de choses qui soient vulgairement sanctionnées par les lois. Parlez-moi franchement, belle Alida, et dites-moi si vous partagez les préjugés du monde contre nous autres libres commerçants ?

— Je ne veux point juger des principes qui excèdent les connaissances et les habitudes de mon sexe, répondit la jeune fille avec dignité. Il y a des personnes qui pensent que l’abus du pouvoir justifie la résistance, tandis que d’autres croient que violer les lois, c’est violer la morale.

— Ce dernier principe est la doctrine des hommes qui ont de