Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/146

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— Non, non, cela n’est pas possible, j’ai des raisons pour savoir… Enfin, Monsieur, elle n’est pas là non plus.

— Alors cette infortunée… cette charmante… cette imprudente jeune fille, est-elle à jamais perdue pour elle et pour nous ? s’écria le jeune marin dans un accès de désespoir. Homme mercenaire et imprudent ! À quel acte de folie cette soif de l’or a-t-elle conduit une créature si belle… Que ne puis-je ajouter si pure et si innocente !

Mais tandis que l’amant, dans la violence de son désespoir, mesurait si peu ses termes de reproche, l’oncle de la belle Alida paraissait accablé de surprise. Quoique la belle Barberie eût conservé la réserve de son sexe, au point de laisser ses amants eux-mêmes dans le doute sur ses inclinations, le pénétrant alderman soupçonnait depuis longtemps que le commandant de la Coquette, franc, impétueux dans son amour, devait nécessairement l’emporter sur un homme d’un extérieur aussi froid et aussi prudent que le patron de Kinderhook. Au moment où l’on n’eut plus de doute sur la disparition d’Alida, il pensa naturellement qu’elle avait pris le parti le plus simple de déjouer ses plans en faveur de son ami, en se jetant étourdiment dans les bras du jeune marin. Les lois de la colonie offraient peu d’obstacles à la légalité de leur union, et lorsque Ludlow parut au Lust-in-Rust, l’alderman crut qu’il se trouvait en présence d’un homme qui allait devenir son neveu, s’il ne l’était déjà. Mais le désespoir du jeune amant ne pouvait être feint, et, n’osant plus s’en tenir à sa première opinion, l’alderman ne pouvait plus présumer ce qu’était devenue sa nièce ; plutôt surpris que désolé, lorsqu’il posa son ample menton sur le pouce et l’index d’une de ses mains, ce fut avec l’air d’un homme qui essaie de résoudre tous les points plausibles de quelque question épineuse.

— Trous et recoins ! murmura-t-il après un long silence, l’entêtée ne peut pas jouer à cache-cache avec ses amis ! Elle tient trop de la famille de Barberie, et elle a trop de sang normand dans les veines, ainsi que son vieux valet ; pour s’abaisser à de semblables plaisanteries. Elle est certainement partie, ajouta t-il en cherchant dans tous les tiroirs vides et les armoires… Et avec elle tout ce qu’elle avait de précieux. La guitare n’est plus là… Le luth que j’ai fait acheter au-delà de l’Océan, un excellent luth de Hollande, qui a coûté tous les sous qui se trouvent dans cent