Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

colonies. Vous ne faites que réfléchir la prospérité de votre maître, vous, coquin, et vous n’en devez veiller que mieux à ses intérêts ; si la substance est détruite, que deviendra l’ombre ? Si je maigris, vous serez malade ; si j’ai faim, vous serez affamé ; si je meurs, vous serez… Hem !… Euclide, je vous laisse le soin des marchandises et du mobilier, soit dans la maison, soit dans ses dépendances, et le soin de ma réputation dans le voisinage. Je vais au Lust in Rust, pour respirer un meilleur air. Pestes et fièvres ! je crois que les étrangers continueront à venir augmenter la foule de cette ville, jusqu’à ce qu’elle soit aussi pestilentielle que Rotterdam pendant la canicule. Vous êtes parvenu à l’âge où un homme acquiert de la raison, et j’espère que vous veillerez avec soin à ma propriété, lorsque j’aurai le dos tourné. Écoute, vaurien, je ne suis pas déjà trop content de la compagnie que tu fréquentes ; elle n’est pas aussi respectable que devrait l’être celle du domestique de confiance d’un homme qui est sur un certain pied dans le monde. Il y a tes deux cousins, Brom et Kobus, qui font un couple de coquins ; et quant au nègre anglais, Diomède, c’est un suppôt du démon ! Tu as l’autre clé à ta disposition. Et tirant avec répugnance une clé de sa poche : — Voilà la clé de l’écurie ; que pas un animal ne sorte, si ce n’est pour aller à la pompe, et ne tarde pas d’une minute à leur donner leur nourriture. Ces diables de coquins ! Un nègre manhattan prend un hongre flamand pour un chien de chasse décharné, qui n’est jamais hors d’haleine, et le voilà qui part à la nuit, jouant des talons sur la grande route comme une sorcière yankee, voyageant dans les airs sur un manche à balai. Mais, écoutez-moi bien, maître Euclide, j’ai des yeux à la tête, comme l’expérience ne vous l’a que trop appris ! Vous rappelez-vous, mauvais sujet, le jour où je vous ai vu de la Hague, faisant galoper mes chevaux le long des fossés de Leyden comme si le diable les eût emportés, sans aucun remords comme sans permission ?

— J’ai toujours cru que quelque rapporteur l’avait dit à maître ce jour-là, répondit le nègre d’un ton boudeur, mais non sans un air de doute.

— Ces propres yeux étaient les rapporteurs. Si les maîtres n’avaient point d’yeux, les nègres mèneraient une jolie vie. J’ai la mesure de tous les talons noirs de l’île enregistrée dans ce gros livre que vous me voyez regarder si souvent, surtout les