Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/171

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— Caprice et vanité ! personne ne peut répondre de l’esprit d’une femme ! On leur apporte, avec de grands risques, les articles les plus coûteux des grandes Indes pour satisfaire leurs goûts, et elles changent de modes plus facilement que le castor ne change de peau. Leurs caprices dérangent les spéculations de commerce, et je ne vois pas pourquoi ils ne pousseraient pas une fille obstinée à faire quelque autre acte de folie.

— Ce raisonnement paraît concluant à l’oncle. Les deux amants lui reconnaissent-ils la même justesse ?

Le patron de Kinderhook regarda longtemps et avec attention l’être extraordinaire qui lui adressait cette question ; enfin un mouvement qui trahissait également sa conviction et ses regrets lui échappa, mais il continua à garder le silence. Il n’en fut pas de même de Ludlow. D’un caractère plus vif, et quoique, également convaincu de la tentation qui avait porté Alida à commettre une faute, il prévît toutes les conséquences qui en résulteraient pour lui et pour les autres, une rivalité de profession et des droits officiels à exercer venaient en outre se mêler à ses sentiments d’amour.

Il avait trouvé le temps d’examiner plus attentivement les articles que la cabine contenait, et lorsque leur hôte singulier leur adressa sa dernière question, il montra du doigt, en souriant avec amertume et ironie, un tabouret richement travaillé et représentant des fleurs dont les nuances éclatantes ressemblaient à celles de la nature.

— Ce n’est point là l’ouvrage d’un faiseur de voile, dit le capitaine de la Coquette. D’autres beautés ont déjà résidé dans votre brillante demeure, téméraire marin ; mais tôt ou tard la justice atteindra votre léger bâtiment.

— Dans un parage ou un autre il verra un jour sa fin, ainsi que nous autres. Capitaine Ludlow, j’excuse ce qu’il peut y avoir de dur dans votre langage, car il convient à un serviteur de la couronne d’user de liberté avec une personne, qui, comme le compagnon déréglé du prince Hal[1], n’est que trop porté à dire : Volons l’échiquier du roi[2] ! Mais, Monsieur, ce brigantin et son caractère sont peu connus de vous. Nous n’avons pas besoin d’oisives demoiselles pour nous instruire dans les mystères des

  1. Le Falstaff de Shakespeare.
  2. La cour de l’échiquier.