Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/180

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effroi. Ludlow lui-même était plus affecté qu’il n’aurait voulu l’avouer par la situation étrange dans laquelle il était placé. Aucun homme n’est entièrement insensible à l’influence de la sympathie, n’importe de quelle manière elle exerce son pouvoir. Le jeune marin était d’autant plus convaincu de cette vérité, par l’extérieur grave et les manières attentives de tous les matelots du brigantin. Ludlow était un marin des plus distingués, et, parmi les divers talents des hommes de sa profession, il avait celui de reconnaître la patrie d’un matelot, par ces signes généraux et distinctifs qui forment la principale différence entre des hommes auxquels la poursuite d’un but commun a créé à un haut degré un caractère particulier. À cette époque, la civilisation était peu étendue parmi ceux qui vivaient sur l’Océan. Les officiers eux-mêmes n’étaient que trop remarquables par leurs manières rudes et hardies, leur peu d’instruction et l’obstination de leurs préjugés. Il n’était donc pas étonnant que les simples matelots eussent en général la plus grande ignorance sur les opinions qui éclairent peu à peu la société. Ludlow s’était aperçu en montant sur le vaisseau que l’équipage était composé d’hommes de différents pays. L’âge et le caractère personnel semblaient avoir été plus consultés dans leur choix que les distinctions nationales. On voyait parmi eux un Finlandais au visage ovale et crédule, à la taille forte et ramassée, à l’œil clair et dénué d’expression ; un marin de la Méditerranée, au teint sombre, et dont les traits réguliers étaient souvent troublés par les regards expressifs et inquiets qu’il portait sur l’horizon. Ces deux hommes s’étaient placés près des étrangers, sur le gaillard d’arrière, au moment où les sons harmonieux s’étaient fait entendre, et Ludlow attribuait cet incident au pouvoir de l’harmonie, lorsque le jeune Zéphyr parut à leurs côtés, de manière à prouver que ce mouvement était plus significatif qu’il n’en avait l’apparence. L’arrivée de Tiller, qui invita les étrangers à entrer de nouveau dans la cabine, en donna l’explication en montrant que ces deux hommes avaient aussi le désir de consulter celle qu’on prétendait avoir une si grande influence sur la fortune du brigantin.

Le groupe qui se rendit d’abord dans la petite antichambre était agité par diverses sensations. La curiosité de Ludlow était vive, dépourvue de crainte, et un peu mêlée d’un intérêt qu’on aurait pu appeler intérêt de métier, tandis que ses deux com-