Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/222

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consciencieux arbitre, tout finit par se trouver en règle. Kobus n’était pas très-exact dans ses calculs, et il était un peu trop prodigue d’encre. Son grand-livre pouvait être appelé un grimoire, car on n’y voyait que des traits de plume jetés au hasard, et des pâtés : ces derniers furent d’une grande utilité pour régler les comptes. En donnant à trois des plus gros le nom de pains de sucre, on obtint une balance exacte entre lui et un petit marchand yankee, qui causait le plus d’embarras au sujet du domaine, et je défie, même à cette époque éloignée, lorsqu’on peut dire que tous les plus proches intérêts sommeillent, je défie tout homme solvable de dire qu’ils ne représentaient pas aussi bien ces articles que toute autre chose. Il fallait bien qu’ils eussent une signification quelconque, et comme Kobus faisait un grand commerce de sucre, il y avait aussi une grande probabilité morale que c’étaient des pains de sucre. Allons, allons, patron, l’étourdie sera de retour au temps convenable. La vivacité l’emporte sur la raison ; mais le véritable amour n’en est que plus vif lorsqu’il est forcé d’attendre. Alida n’apportera pas de tristesse dans ta maison ; ces filles normandes ont le pied léger à la danse, et ne sont point disposées à s’aller coucher lorsqu’elles entendent le violon !

Après avoir donné cette consolation au patron, l’alderman van Beverout trouva bon de terminer ce dialogue. Réussit-il à ramener l’esprit du patron à la fidélité qu’il avait jurée, les résultats nous le prouveront, mais nous saisirons encore l’occasion de faire observer que le jeune propriétaire trouvait un grand bonheur dans des scènes qu’une vie monotone ne lui avait pas encore offertes.

Tandis que la moitié de l’équipage dormait, Ludlow passa une partie de la nuit dans le pont. Il s’étendit sur les hamacs pendant une heure ou deux vers le matin ; mais à peine le vent soupira-t-il un peu plus haut dans les agrès, qu’il s’arrachant au sommeil. À chaque parole que l’officier de quart adressait à voix basse à l’équipage, Ludlow levait la tête pour regarder autour de l’étroit horizon, et le vaisseau ne se balançait pas avec un peu plus de pesanteur sans l’éveiller tout à fait. Il supposait que le brigantin n’était pas éloigné, et, pendant le premier quart, il n’aurait pas été surpris que les deux vaisseaux se fussent rencontrés dans l’obscurité. Lorsque cette espérance fut trompée, le jeune marin eut recours à son tour à l’artifice, afin de jouer de finesse avec un