Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/225

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d’une cabine sur le gaillard d’arrière et descendre au niveau du plancher, fut pour lui l’affaire d’un instant. Mais le désappointement et la mortification succédèrent au triomphe. Un second regard ne fut pas nécessaire pour lui prouver que l’ouvrage grossier et les odeurs désagréables qui frappaient ses yeux et son odorat n’appartenaient point à l’élégant et commode brigantin.

— Ce n’est point la Sorcière des Eaux, s’écria-t-il à haute voix, dans la surprise qui le saisit.

— Dieu en soit loué ! répondit un homme dont le visage effrayé sortait de la chambre du conseil. On nous avait dit que le corsaire était au large, et nous pensions que les hurlements que nous venions d’entendre ne pouvaient sortir de la bouche d’êtres humains.

Le sang qui s’était porté avec tant de rapidité au cœur de Ludlow reflua tout entier sur ses joues. Il donna brusquement à ses gens l’ordre de rentrer dans leurs bateaux après avoir laissé toute chose dans le même état. Une conférence de peu de durée eut ensuite lieu entre le commandant du vaisseau de Sa Majesté la Coquette et le marin de la chambre du conseil, et le premier remonta sur le pont et fut en un instant dans sa chaloupe. Le bateau s’éloigna dans un silence qui ne fut interrompu par d’autres sons que celui d’un air chanté, suivant toute apparence, par celui qui reprit le gouvernail du vaisseau qu’on venait de prendre d’assaut. Tout ce qu’on peut dire de cette musique, c’est qu’elle était en harmonie avec les paroles, et tout ce qu’on pouvait entendre des dernières c’était quelques strophes de vers qui avaient exercé le talent de quelque esprit nautique. Comme nous nous fions pour l’exactitude de la citation à la fidélité du journal du midshipman dont nous avons déjà fait mention, il est possible que quelque injustice ait été faite à l’écrivain, mais suivant ce document, il chanta une chanson des côtes, dont nous avons cité une strophe à la tête de ce chapitre. Les papiers du bâtiment ne donnèrent pas une description plus détaillée sur son caractère et le but de son voyage, que celle qui était contenue dans les vers. Il est certain que le livre de loch de la Coquette était moins minutieux. Ce dernier disait simplement qu’un bâtiment côtier, appelé le Noble Pin, ayant pour maître John Turner, parti de New-York pour la province de la Caroline du nord, avait été abordé à une