Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/231

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voiles, excepté celles qui étaient nécessaires pour commander aux vagues. Mais lorsque la Coquette fut à la portée de canon, les voiles commencèrent à se déployer, et il devint évident que l’Écumeur de Mer se disposait à fuir.

La première manœuvre de la Sorcière des Eaux fut d’essayer de gagner le vent du croiseur. Une expérience qui ne dura qu’un instant parut apprendre à ceux qui la dirigeaient que cette tentative était inutile tant que le vent serait aussi fort et la mer aussi houleuse. Il porta ses voiles du côté opposé, afin d’essayer de l’emporter de vitesse sur le croiseur, et ce ne fut que lorsque les résultats lui eurent prouvé le danger de laisser ce dernier s’approcher, que le brigantin se décida à mettre sa barre tout au vent, et s’enfuit le vent en poupe avec la légèreté d’un oiseau qui effleure l’onde.

Les deux vaisseaux présentèrent alors le spectacle d’une vive poursuite. Le brigantin déploya toutes ses voiles, et il s’éleva sur la carène une pyramide blanche presque imperceptible qui ressemblait à un nuage fantastique flottant au-dessus de l’eau avec une vélocité qui pouvait rivaliser avec celle de la vapeur se balançant dans l’air supérieur. Comme un talent égal dirigeait les mouvements des deux vaisseaux, et que la même brise enflait leurs voiles, on fut longtemps à s’apercevoir de quelque différence dans leurs progrès. Les heures succédèrent aux heures ; et, si ce n’eût été les flots d’écume qui s’élançaient de l’avant de la Coquette, Ludlow aurait pu croire son vaisseau immobile. L’Océan présentait de chaque côté la même image mouvante et monotone ; le brigantin était toujours à la même distance, pas un pied plus près ou plus loin que lorsque la chasse avait commencé. Une ligne sombre se montrait quelquefois sur le sommet d’une vague, et disparaissait, ne laissant de visible qu’un nuage de voiles flottant et se balançant au-dessus de l’eau.

— J’espérais mieux du vaisseau, maître Trysail, dit Ludlow ; nous sommes enterrés jusqu’à la sous-barbe, et cependant nous voyons toujours cet impudent à la même distance que lorsque pour la première fois de la journée nous vîmes ses bonnettes.

— Et il sera toujours à la même distance tant que le jour durera, capitaine Ludlow. J’ai chassé le corsaire dans la Manche, jusqu’à ce que les hauteurs d’Angleterre eussent disparu comme une vague qu’une autre remplace, et nous atteignîmes les bancs