Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/243

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Le lieutenant n’eut pas plus tôt proféré ces paroles, que le mugissement des vagues fut couvert par le battement des voiles. Les amures, les voiles, les vergues tombèrent ensemble, et, en moins d’une minute, le croiseur montra des espars nus, des cordages détendus où l’on avait vu naguère un nuage de voiles d’un blanc de neige. Toutes les bonnettes furent ramenées ensemble et les voiles hautes furent ferlées aux huniers. Ces dernières étaient encore déployées, et le vaisseau reçut la petite tempête sur leur large surface. Le noble bâtiment soutint bravement le choc, mais comme le vent venait sur sa poupe, sa force avait moins d’influence sur sa carène, que dans l’occasion que nous avons déjà décrite. Le danger n’existait que pour ses espars, et ils furent sauvés par la vigilance du capitaine, non moins prudent qu’audacieux.

Ludlow ne fut pas plus tôt certain que le croiseur sentait la force du vent (et il acquit cette assurance en peu d’instants), qu’il tourna ses regards impatients sur le brigantin. À la grande surprise de tous ceux qui étaient témoins de sa témérité, la Sorcière des Eaux montrait encore toutes ses voiles légères. Quelle que fût la rapidité avec laquelle ce vaisseau fendait l’onde, elle était encore surpassée par celle du vent. Les traces de la rafale étaient déjà visibles sur les vagues, entre les deux bâtiments, et cependant le brigantin ne semblait pas s’apercevoir de son approche. Son commandant avait évidemment étudié ses effets sur la Coquette, et il attendait le choc avec le calme d’un marin habitué à mettre sa confiance dans ses propres ressources, et qui calculait la force avec laquelle il avait à combattre.

— S’il tient une minute de plus, dit Trysail, il en aura plus qu’il n’en pourra supporter, et toutes ses voiles s’envoleront comme de la fumée de la bouche d’un canon. Ah ! voilà ses bonnettes qui se baissent. La grande voile les suit. Oh ! oh ! le perroquet volant, les voiles de perroquet et les huniers sur le chouquet ! Les coquins sont aussi lestes que des filous dans une foule !

L’honnête contre-maître a suffisamment décrit les précautions prises par le brigantin. Rien n’était ferlé ; mais comme toutes les voiles étaient déchargées ou baissées, la rafale ne pouvait étendre sa furie que sur peu de choses. Les surfaces diminuées des voiles protégeaient les espars, tandis que les voiles étaient sauvées à l’aide des cordages. Après quelques moments de repos, une demi-