Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/254

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rent l’Océan, et les matelots du croiseur royal poursuivirent au hasard le brigantin.

Combien la Coquette parcourut-elle de chemin pendant la nuit, on n’en sait rien ; mais lorsque son jeune commandant parut le jour suivant, son avide et long regard ne trouva d’autre récompense qu’un horizon vide et nu. De tous côtés la mer présentait une vaste solitude. On ne voyait que la mouette déployant ses ailes, et le sommet des vagues irrégulières et verdâtres. Pendant ce jour et plusieurs autres le croiseur continua à sillonner l’Océan. Quelquefois courant au large, avec tout ce que pouvaient contenir les boute-hors ouverts à la brise, et quelquefois tanguant et naviguant avec des vents contraires, comme s’il eût voulu vaincre les obstacles que la nature elle-même lui présentait. La tête du digne alderman s’était complètement dérangée, et quoiqu’il attendît les résultats avec patience, avant que la semaine fût achevée, il ne savait plus quelle direction suivait le vaisseau. Enfin il eut des raisons pour croire que le terme de cette croisière approchait. Il observa que les efforts des marins se ralentissaient et que le vaisseau poursuivait sa course pressé par moins de voiles.

C’était passé midi que, pendant un de ces jours paisibles, on vit François sortir du fond du vaisseau, et se traîner de canons en canons jusqu’à une place au centre du bâtiment, où il prenait ordinairement l’air pendant le beau temps, et où il pouvait disposer de sa personne, sans trop présumer de la bonne volonté de ses supérieurs, et sans entretenir trop d’intimité avec le troupeau grossier qui composait le reste de l’équipage.

— Ah ! s’écria le valet, en adressant sa remarque à un midshipman que nous avons déjà mentionné sous le nom d’Hopper, voilà la terre : quel bonheur ! Que je serai heureux !… La mer est une chose fort agréable, mais vous savez, monsieur le midshipman, que je ne suis point marin. Quel est le nom de ce pays ?

— On l’appelle France, reprit le jeune garçon, qui comprit assez à l’accent du valet quelle était son origine. On dit que c’est un fort bon pays pour ceux qui l’aiment.

— Pas toujours ! s’écria François en reculant d’un pas, et partagé entre la surprise et la joie.

— Appelez-le Hollande, alors, si vous le préférez.

— Dites-moi, monsieur Hopper, continua le valet en appuyant