Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/262

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— Non pas d’une manière aussi imaginaire. Ma connaissance des beautés de la maison de M. van Staats se borne à un coup d’œil très-peu poétique que j’ai jeté sur elle de la rivière, en passant et repassant. Les cheminées sont construites dans le meilleur goût hollandais, et quoiqu’on ne voie pas des nids de cigogne à leur sommet, on pourrait croire qu’il règne à leur foyer un bonheur paisible, capable de tenter une femme ; les offices aussi ont un air séduisant pour une bonne ménagère.

— Et cette charge dans la maison du digne patron ne sera pas longtemps vacante, grâce à vous ?

Alida jouait avec une petite cuiller représentant d’une manière ingénieuse la tige et les feuilles de l’arbuste qui porte le thé. Elle tressaillit, laissa tomber la cuiller, et arrêta ses regards sur le visage de Ludlow. Ce regard était calme, mais on y découvrait l’intérêt que causaient les sentiments que trahissait le jeune marin.

— Elle ne sera jamais remplie par moi, Ludlow, répondit Alida d’une voix solennelle et avec une fermeté qui annonçait une résolution arrêtée.

— Cette déclaration soulève une montagne. Oh ! Alida, si vous pouviez aussi facilement…

— Chut ! dit la jeune fille à voix basse, en se levant et en écoutant dans l’attitude d’une profonde émotion. Ses yeux devinrent plus brillants et la rougeur de ses joues plus vive, tandis que le plaisir et l’espérance se peignaient sur son beau visage… Chut ! continua-t-elle ; n’avez-vous rien entendu ?

Le jeune homme désappointé garda le silence, tout en admirant l’expression charmante peinte sur le visage de celle qu’il aimait.

Comme aucun bruit ne suivit celui qu’Alida avait entendu, ou croyait avoir entendu, elle reprit son siège et parut accorder de nouveau son attention au jeune marin.

— Vous parliez de montagne, dit-elle sans savoir à peine les mots qu’elle prononçait ; le passage entre les baies de Newbourg et Tappan a peu de rivaux, et comme je l’ai entendu dire par des voyageurs…

— Je parlais en effet de montagne, mais c’était pour me rattacher à la terre. Votre inexplicable conduite, Alida, et votre cruelle indifférence ont amassé un fardeau sur mon cœur. Vous venez de dire qu’il n’y a aucune espérance pour Oloff van Staats,