Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/270

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blent avoir été appropriées au climat où la nature les a placées. L’une est poétique, indolente, pleine de beauté fière et gracieuse, plus remplie d’agrément que d’utilité ; l’autre sera un jour le marché du monde !

— Mais vous ne nous parlez point de leur beauté, dit Alida, désappointée en dépit de l’indifférence qu’elle affectait sur ce sujet.

— C’est la faute ordinaire des vieilles sociétés de se vanter elles-mêmes, et de déprécier les nouveaux acteurs dans le grand drame des nations, comme les hommes habitués aux succès méprisent les efforts des aspirants à la faveur, dit Seadrift en contemplant avec surprise l’air piqué d’Alida. Dans cette circonstance, l’Europe n’a pas commis une grande erreur. Ceux qui voient une parfaite ressemblance entre la baie de Naples et celle de Manhattan, ont une imagination fertile, puisque cette ressemblance ne repose que sur ce qu’il y a beaucoup d’eau dans les deux, et un détroit entre une île et le continent dans l’une, pour répondre à un détroit entre deux îles dans l’autre. Celle-ci est un bras de mer ; celle-là un golfe, et tandis que l’une a l’eau verte et trouble que produisent des terres qui vont en déclinant, et des rivières tributaires, l’autre a la couleur bleue et limpide d’une mer profonde. Dans cette discussion, je ne mentionne pas des montagnes inégales et escarpées, ni les nuances mobiles de rose et d’or sur leurs surfaces brisées, ni une côte d’où se lèvent trois mille ans de souvenirs.

— Je n’ose plus interroger, mais certainement on ne peut parler de nos nuages, même auprès de ceux que vous vantez ?

— Vous avez en effet plus de raison d’avoir confiance en vos nuages. Je me rappelle qu’un soir, debout sur le cap di Monte qui domine le petit banc pittoresque de Marina Grande à Sorrente, lieu rempli de tout ce qui est poétique dans la vie d’un pêcheur, celui dont je vous ai parlé me montrant la voûte transparente au-dessus de nos têtes, me dit : — Voilà la lune d’Amérique. — La lueur de la fusée n’est pas plus brillante que ne l’étaient les étoiles cette nuit-là, car un Tramontana avait chassé toute l’impureté de l’air au loin sur la mer voisine. Mais les nuits comme celles-là sont rares dans tous les climats ! Les habitants des latitudes basses en jouissent quelquefois, ceux des latitudes élevées jamais.