Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/356

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Ludlow écoutait, plus surpris que jamais. Il avait levé le bras pour arrêter la retraite de Seadrift, et, par un mouvement naturel, il avait saisi sa main. Au moment où il toucha cette main douce et sans gants, une pensée aussi nouvelle qu’elle était subite traversa son esprit. Reculant d’un ou deux pas, il examina la taille agile et légère du contrebandier, et l’expression du mécontentement qui chargeait son front fit place à la plus grande surprise. Pour la première fois il se rappela la voix de Seadrift, plus douce et plus mélodieuse que ne l’est généralement celle de l’homme.

— Vous n’êtes pas en effet l’Écumeur de mer, s’écria Ludlow lorsque cet examen eut cessé.

— Il n’y a pas de vérité plus certaine. Je suis une personne fort peu utile dans cette malheureuse rencontre ; mais si ce brave marin était ici (et une vive rougeur se montra sur les joues de Seadrift), son bras et ses conseils seraient ceux d’un soldat ! Oh ! je l’ai vu dans des scènes encore plus effrayantes, où les éléments mêlaient leur fureur à d’autres dangers. Son calme et son énergie donnaient du courage au plus faible cœur du brigantin ! Maintenant permettez-moi d’aller consoler la timide Alida !

— Je mériterais peu sa reconnaissance, reprit Ludlow, si cette demande était refusée. Allez, brillant et aimable maître Seadrift ? Si l’ennemi craint aussi peu votre présence sur le pont que je la crains auprès de la belle Barberie, elle est ici fort inutile.

Seadrift rougit, croisa ses bras sur sa poitrine ; et, en faisant un salut d’adieu, son attitude fut assez équivoque pour faire sourire le jeune capitaine attentif ; puis, glissant près de lui, il disparut à travers les écoutilles.

Les regards de Ludlow suivirent cette forme légère et gracieuse tant qu’il put l’apercevoir ; et lorsqu’elle ne fut plus visible, il regarda l’alderman en face, avec un œil qui semblait scruter jusqu’à quel point il était instruit de ce mystère et du véritable caractère d’une personne qui lui avait causé tant de tourments.

— Ai-je bien fait, Monsieur, en permettant à un sujet de la reine Anne de nous quitter au moment du danger ? demanda-t-il en observant que le flegme et le sang-froid de Myndert le rendaient difficile à deviner.

— On peut appeler le jeune garçon une contrebande de guerre, répondit l’alderman avec une grande impassibilité de physionomie, mais c’est un article qui a un meilleur prix dans la tran-