Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/365

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voix claire ; donnez un tour aux boulines. — Loffez, Monsieur, loffez ; — assujettissez le vaisseau contre le vent.

La réponse calme et nette du contre-maître charpentier et la manière avec laquelle la Coquette vomissait toujours ses torrents de flammes inclinée vers la brise, annonçait la promptitude des subordonnés. Une minute plus tard les énormes masses de fumée qui enveloppaient les deux vaisseaux se joignirent et formèrent un nuage blanc, qui roula rapidement, chassé par les explosions, sur la surface des vagues, mais qui en s’élevant plus haut dans l’air se dirigea gracieusement sous le vent.

Notre jeune commandant passa avec rapidité au milieu des batteries, parla d’une voix encourageante à son équipage et reprit son poste sur la poupe. La position stationnaire de la Fontange et ses efforts pour gagner le vent étaient déjà un avantage pour le croiseur de la reine Anne. Il y avait sur le vaisseau français une indécision qui attira bientôt l’attention d’un homme dont les talents dans sa profession ressemblaient à l’instinct.

Le chevalier Dumont avait occupé ses loisirs à parcourir l’histoire navale de son pays. Il y avait trouvé que tel ou tel commandant avait reçu beaucoup d’éloges pour avoir jeté ses voiles de hune au mât par le travers de son ennemi. Ignorant la différence d’un vaisseau en ligne et d’un autre engagé seul, il s’était déterminé à donner la même preuve de courage. Au moment où Ludlow était seul sur la poupe, surveillant d’un œil attentif les progrès de son propre vaisseau et la position de son ennemi, indiquant seulement par un geste au zélé Trysail qui était au-dessous de lui ce qu’il désirait qui fût fait, il y avait une discussion sur le gaillard d’arrière du vaisseau français entre le natif de Boulogne-sur-mer et le brillant favori des salons ; ils discutaient sur l’expédient auquel le dernier s’était arrêté pour prouver l’existence d’une qualité dont personne ne doutait. Le temps perdu dans cette discussion fut de la dernière importance pour le croiseur anglais. Avançant rapidement, il fût bientôt hors de la portée des canons de son adversaire, et avant que le Boulonnais eût convaincu son supérieur de son erreur, la Coquette avait viré de bord, et loffait à travers le sillage de la Fontange. Les voiles de hune de cette dernière se remplirent alors tardivement ; mais avant que le vaisseau eût recouvré son mouvement, les voiles de son ennemi ombrageaient son pont. On pouvait alors