Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/369

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faible, avec les trois trous qui y sont, pour supporter les voiles dont nous aurions besoin.

— Que pensez-vous du vent ? dit Ludlow affectant une indécision qu’il n’avait pas, afin de ménager la susceptibilité de son compagnon blessé. S’il tenait, nous pourrions doubler Montauk, et aller chercher le reste de nos gens ; mais s’il tombe, ne courrons-nous pas le danger que la frégate ne toue à portée de canon ? nous n’avons pas de bateau pour lui échapper.

— Le sondage sur cette côte est aussi régulier que le toit d’une maison, reprit le contre-maître après un moment de réflexion, et mon avis est, puisque c’est votre bon plaisir de le demander, capitaine Ludlow, que nous gagnions les côtes autant que possible tandis que le vent est bon ; alors je crois que nous n’aurons point à craindre une visite de la frégate ; quant à la corvette, mon opinion est qu’elle ressemble à un homme qui a bien dîné et qui n’a point envie de manger un autre morceau.

Ludlow applaudit au conseil de son subordonné, car c’était précisément ce qu’il avait résolu de faire, et, après avoir de nouveau complimenté le contre-maître sur son sang-froid et son habileté, il donna les ordres nécessaires. Le gouvernail de la Coquette fut placé tout au vent, les vergues furent équarries, et le vaisseau fut mis devant la brise. Après avoir couru dans cette direction pendant quelques heures, le vent tomba peu à peu ; le plomb annonça que la quille était aussi près du fond que l’heure de la marée et le triste et pesant murmure de la mer le rendaient prudent. Bientôt le vent tomba tout à fait, et le jeune commandant ordonna qu’on jetât une ancre.

Son exemple, sous ce dernier rapport, fut suivi par les croiseurs ennemis. Ils s’égaient réunis promptement, et des bateaux allèrent d’un vaisseau à l’autre tant que le jour dura. Lorsque le soleil se cacha derrière la ceinture occidentale de l’Océan, les lignes sombres des deux vaisseaux, éloignés d’environ une lieue, devinrent de moins en moins distinctes, jusqu’à ce que les ténèbres de la nuit enveloppassent la mer et les côtes dans leur obscurité.