Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/37

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Le marinier, ayant fait connaître ses sentiments, reprit sa pipe comme un homme qui méritait les honneurs de la victoire, qu’on les lui accordât ou non.

— Il est inutile de disputer contre un entêté, murmura l’alderman, et se frayant un chemin à travers les paniers de légumes ; les pots de beurre et tout ce qui garnit ordinairement un bateau se rendant au marché, pour parvenir jusqu’à sa nièce, qui occupait une place près de la poupe. — Bonjour, ma chère Alida, dit-il, l’air du matin fait un jardin de tes joues, et celui de Lust-in-Rust donnera encore à ces roses un lustre plus brillant.

Le bourgeois, dont la colère était apaisée par la vue de sa nièce, baisa ses joues, dont la fraîcheur avait été augmentée par ses remarques, avec une affection prouvant qu’il n’était pas dépourvu de sensibilité, toucha son chapeau en réponse à un salut respectueux qui lui était adressé par un blanc, domestique âgé, revêtu d’une livrée propre mais antique, et fit un signe à une jeune négresse dont l’élégance de second ordre prouvait qu’elle était la première femme de chambre de l’héritière.

On s’apercevait presque à la première vue qu’Alida de Barberie devait la naissance à des parents de contrées différentes. Elle tenait de son père, huguenot de Normandie, appartenant à la petite noblesse, des cheveux noirs et des yeux noirs aussi, et dont la vivacité brillante était tempérée par une grande douceur, un profil grec et une taille plus élevée et plus flexible que celle qui est ordinairement le partage des jeunes Hollandaises. La belle Barberie, c’est ainsi qu’on appelait Alida en plaisantant, avait hérité de sa mère une peau aussi belle, aussi pure que les fleurs de France, et une fraîcheur qui eût pu rivaliser avec les riches teintes d’un nuage du soir de son pays natal. Une partie de l’embonpoint qui avait rendu remarquable la sœur de l’alderman était aussi échue à Alida, mais elle servait seulement à arrondir les contours de sa taille et ceux de ses traits, et ne diminuait en rien sa grâce et son aisance. Ces avantages personnels étaient embellis par un habit de cheval, à la fois élégant et simple, un petit chapeau de castor ombragé d’un bouquet de plumes, et un maintien qui, malgré l’embarras de sa situation, conservait un juste milieu entre la modestie et une aisance parfaite.

Quand l’alderman van Beverout rejoignit cette belle personne, au bonheur de laquelle il prenait le plus vif intérêt, comme nous