Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/376

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caractère de sa communication, sa probabilité, et les moyens par lesquels il avait obtenu ces connaissances, étaient d’accord pour confirmer sa véracité. Les exemples d’une semblable fidélité à leurs drapeaux, dans des marins dont la conduite était opposée aux intérêts de ces mêmes drapeaux, n’étaient pas extraordinaires. Leurs erreurs ressemblaient à celles des passions et des tentations, tandis que le retour momentané à de meilleures pensées ressemblait aux impulsions irrésistibles de la nature. Le conseil que le contrebandier avait donné au capitaine de laisser dormir son équipage avait été suivi. Vingt fois, pendant quelques minutes, notre jeune marin examina sa montre, afin de surveiller la marche du temps, puis il la remettait dans son gousset, déterminé à montrer plus de patience. Enfin il descendit sur le gaillard d’arrière, et s’approcha du seul homme qui fût debout. Le quart était commandé par un jeune garçon de seize ans dont le noviciat n’était pas encore fini, mais auquel, en l’absence de ses supérieurs, on avait confié ce devoir important. Il était debout, appuyé contre le cabestan ; une main soutenait sa tête, tandis que le coude était placé contre le tambour ; le corps était sans mouvement. Ludlow le regarda un instant, puis soulevant une lanterne allumée, il la passa devant son visage, et s’aperçut qu’il dormait ; sans troubler le repos du coupable, le capitaine replaça la lanterne, et avança. Sur le passe-avant, il vit un soldat de marine, le mousquet sur l’épaule, dans l’attitude de l’attention. En passant près de lui, Ludlow s’aperçut facilement que ses yeux s’ouvraient et se refermaient involontairement et qu’ils ignoraient ce qui se passait devant eux. Sur le perroquet du gaillard d’avant on voyait une figure courte et carrée qui se balançait sans aucun soutien, dont les deux bras étaient enveloppés d’une jaquette et dont la tête tournait doucement de l’ouest au sud comme si elle eut examiné l’Océan.

Montant légèrement sur l’échelle, Ludlow s’aperçut que c’était un vétéran qui avait le titre de capitaine du gaillard d’avant.

— Je suis content de trouver enfin deux yeux ouverts sur mon vaisseau, dit le capitaine. Vous êtes le seul éveillé de tout le quart.

— J’ai doublé le cap cinquante fois, Votre Honneur, répondit le vétéran, et le marin qui a fait ce voyage a rarement besoin d’un second appel du maître d’équipage. Les jeunes têtes ont de jeunes yeux, et le sommeil leur est presque aussi nécessaire que la nourriture après avoir manœuvré les palans de canons et les rides.