Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

précipitamment le jeune commandant à l’oreille du chirurgien, qui rassemblait froidement ses instruments afin d’aller trouver un sujet auquel il serait plus utile. — Ne négligez rien de ce que votre art peut vous suggérer.

— Le cas est désespéré, capitaine Ludlow, répondit le flegmatique chirurgien ; mais si vous avez du goût pour les opérations, il se présente un cas d’amputation magnifique sur un gabier de hune que j’ai envoyé en bas. Il s’en présente rarement un semblable dans toute l’existence d’un chirurgien !

— Allez, allez ! interrompit Ludlow en poussant l’homme de sang tandis qu’il parlait ; allez, allez où vos services sont nécessaires.

Le chirurgien jeta un regard autour de lui, et réprimanda son aide d’exposer à l’humidité la lame d’un instrument dont l’aspect était affreux.

— J’aurais voulu que la volonté du ciel eût fait tomber une partie de ces blessures sur de plus jeunes et de plus vigoureux, murmura le capitaine en se penchant vers le contre-maître à l’agonie. — Puis-je faire quelque chose pour calmer ton esprit, mon vieux et digne compagnon ? ajouta-t-il.

— J’ai eu des pressentiments depuis que nous avons eu affaire à des sorciers, répondit Trysail chez qui le râle de la mort étouffait à demi la voix. J’ai eu des pressentiments ; mais n’importe. Prenez soin du vaisseau… J’ai pensé à l’équipage… Vous aurez à couper… Ils ne pourront jamais soulever l’ancre… Le vent est au nord.

— Tout cela est ordonné. Ne te fatigue pas davantage l’esprit de la pensée du vaisseau. On en prendra soin, je te le promets. Parle-moi de ta femme et de ce que tu désires faire en Angleterre.

— Que Dieu bénisse mistress Trysail ! Elle aura une pension, et j’espère qu’elle sera heureuse ! Évitez le récif en passant devant Montauk… Et vous jetterez sans doute l’ancre encore lorsque la côte sera libre… Si votre conscience vous le permet, parlez du pauvre et vieux Ben Trysail dans vos dépêches.

La voix du contre-maître baissa par degré et devint inintelligible. Ludlow crut qu’il essayait encore de parler, et il se pencha davantage pour l’écouter.

— Je dis… que le grand foc et les deux étais d’arrière sont partis ; faites attention aux espars… car… car… Il y a quelque-