Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/406

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sans se décourager, éleva la voix avec une force qui était augmentée par l’imminence du péril. Les matelots se joignirent à lui, et Ludlow lui-même lui prêta son secours jusqu’à ce qu’ils s’aperçussent à leurs voix enrouées de l’inutilité de leurs efforts. Il y avait évidemment sur le vaisseau français des gabiers qui parcouraient l’Océan de leurs regards, mais ils ne montraient aucun signal.

Le vaisseau continuait à approcher, et le radeau était à moins d’un demi-mille de son avant. Mais tout à coup il se détourna du vent, montra ses flancs, et trahit par sa position qu’il abandonnait toute recherche. Au moment où Ludlow s’aperçut que la frégate s’éloignait, il s’écria :

— Élevez la voix tous ensemble, c’est notre dernière chance !

Tout le groupe éleva la voix en même temps, à l’exception de l’Écumeur. Il était appuyé contre le mât de hune, les bras croisés sur la poitrine, écoutant avec un sourire mélancolique les vains efforts de ses compagnons.

— C’est bien tenté, dit le calme et extraordinaire marin lorsque le bruit eut cessé, et, s’avançant le long du radeau, il fit signe de faire silence ; mais vous n’avez pas réussi. Le bruit des vagues et celui des ordres que reçoit l’équipage eussent empêché un son plus fort encore d’être entendu. Je ne veux donner aucune espérance, mais voilà réellement l’instant d’un dernier effort.

Il plaça sa main devant sa bouche, et dédaignant les paroles il poussa un cri si clair, si puissant et si plein, qu’il semblait impossible que l’équipage du vaisseau ne l’entendît pas.

Il répéta trois fois cette expérience, quoiqu’il fût évident que ses efforts devenaient de plus en plus faibles.

— Ils entendent ! s’écria Alida, il y a un mouvement dans les voiles !

— C’est la brise qui fraîchit, répondit Ludlow d’une voix triste ; chaque moment les éloigne davantage !

Cette cruelle vérité fut bientôt trop apparente pour être contredite, et pendant une demi-heure le groupe contempla le vaisseau avec douleur. Dans ce moment la frégate fit entendre un coup de canon, étendit de nouvelles voiles sur ses larges boute-hors, et se plaça devant le vent pour aller rejoindre sa compagne, dont les voiles hautes effleuraient déjà la surface des vagues sur