Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/413

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partie de la cargaison qu’il emporta, et qui n’était pas ce qu’il avait de moins précieux.

— Peut-être un ballot de fourrures de martre, car cet article commençait alors à être apprécié dans le commerce.

— C’était sa fille, aussi belle qu’affectionnée.

L’alderman fit un mouvement involontaire, qui cacha en partie son visage à son compagnon.

— Il avait en effet une fille belle, et dont le cœur était dévoué, répondit l’alderman d’une voix basse et embarrassée. Elle mourut, à ce que vous m’avez dit, maître Écumeur, dans les mers d’Italie. Je n’ai jamais vu le père après la dernière visite de la fille sur cette côte.

— Elle mourut au milieu des îles de la Méditerranée. Mais le vide qu’elle laissa dans tous les cœurs de ceux qui la connurent fut rempli avec le temps par… sa fille.

L’alderman tressaillit, et, se levant, il regarda l’Écumeur avec anxiété, en répétant lentement ce mot :

— Sa fille.

— Oui, je viens de le dire. — Eudora est l’enfant de cette femme infortunée. — Ai-je besoin de dire qui est son père ?

Le bourgeois fit entendre un gémissement ; et, couvrant son visage de ses mains, il retomba sur sa chaise en tremblant d’une manière convulsive.

— Quelle preuve puis-je avoir de ce que tu avances ? dit-il enfin. Eudora est ta sœur !

La réponse du contrebandier fut accompagnée d’un sourire mélancolique.

— Vous avez été trompé, dit-il ; excepté le brigantin, je ne tiens à rien sur la terre. Lorsque mon brave père tomba à côté de celui qui protégea ma jeunesse, je n’eus plus aucun parent. J’aimais mon protecteur comme un père, et il m’appelait son fils, tandis qu’Eudora passait et vos yeux pour le fruit d’un second mariage. Mais voilà des preuves suffisantes de sa naissance.

L’alderman prit un papier que son compagnon lui présenta, et ses yeux le parcoururent. C’était une lettre qui lui était adressée par la mère d’Eudora, écrite après la naissance de cette dernière, et empreinte de toute l’affection d’une femme. L’amour du jeune marchand et de la fille de son correspondant secret avait été moins coupable que ne le sont ordinairement ces sortes de liaisons.