Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/419

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— Et ce tour a été joué plus d’une fois ?

— Je l’avoue. — Mais je ne puis attendre plus longtemps ; dans quelques minutes la marée changera, et le passage deviendra impraticable. Eudora, — nous devons décider sur le sort de cet enfant. Retournera-t-il sur l’Océan ? ou consumera-t-il sa vie dans les hasards qui sont le partage d’un habitant de la terre ?

— Qui est cet enfant ? demanda gravement l’alderman.

— Un enfant qui nous est cher à tous les deux, répondit le contrebandier ; son père était mon plus sincère ami, et sa mère a veillé longtemps sur l’enfance d’Eudora. Jusqu’à ce moment nous lui avons consacré nos soins ; il doit maintenant choisir entre nous deux.

— Il ne me quittera pas ! interrompit brusquement Eudora alarmée, — tu es mon fils adoptif, et personne ne peut guider ton jeune esprit comme moi. Tu as besoin de la tendresse d’une femme, Zéphire, et tu ne voudras pas me quitter ?

— Que l’enfant soit lui-même l’arbitre de son sort. Je suis crédule en ce qui tient à la destinée, c’est du moins une croyance heureuse pour la contrebande.

— Alors laissez-le parler. Veux-tu rester ici au milieu de ces champs, de ces prairies riantes pour courir au milieu de ces fleurs, ou veux-tu retourner sur l’Océan où tout est nu et uniforme ?

Le jeune enfant tâcha de lire dans les yeux inquiets d’Eudora, puis il arrêta ses regards indécis sur les traits calmes de l’Écumeur.

— Nous pouvons mettre en mer, dit-il, et lorsque nous reviendrons de nouveau nous t’apporterons des choses bien curieuses, Eudora !

— Mais c’est peut-être la dernière occasion de connaître la terre de tes ancêtres ; souviens-toi combien l’Océan est terrible dans sa fureur, et combien le brigantin a été de fois en danger de faire naufrage !

— Oh ! c’est là une faiblesse de femme ! j’ai été sur la vergue de cacatois pendant les tempêtes, et je n’ai jamais pensé qu’il y eût alors du danger.

— Tu as l’ignorance et la confiance d’un jeune garçon ! Mais ceux qui sont plus âgés savent que la vie d’un marin est une vie de dangers sans cesse renaissants ; tu as été parmi les îles dans l’ouragan et tu as vu le pouvoir des éléments.

— J’étais dans l’ouragan ainsi que le brigantin, et cependant