Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/45

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— C’est une preuve certaine de son activité ou de la vôtre. Mais quelle pouvait être la forme et le calibre de ce vaisseau si léger ?

— Aucune forme déterminée. Aux yeux des uns c’était un bâtiment gréé comme un vaisseau et couvert de voiles ; un autre le prenait pour un scudder des Bermudes ; mais, selon moi, il ressemblait à une vingtaine de périagues construites en un seul bâtiment. Il est bien connu, néanmoins, qu’un vaisseau des Indes occidentales se mit en route cette nuit même, et, quoiqu’il y ait maintenant trois ans, personne à York n’a eu de nouvelles ni du vaisseau ni de son équipage. Depuis ce jour je ne suis jamais allé pêcher sur les bancs par un temps brumeux.

— Vous avez bien fait, observa l’étranger. J’ai vu moi-même bien des merveilles sur le vaste Océan, et celui que ses occupations retiennent entre le vent et l’eau ne devrait jamais se tenir à la portée de ces diables de fuyards. Je pourrais vous raconter une histoire d’une affaire, dans ces parages où règnent souvent des calmes, sous un soleil brûlant, qui serait une leçon pour tous ceux dont la curiosité est trop hardie : commission et réputation ne sont pas des affaires pour vos raboteurs.

— Nous avons le temps de l’entendre, observa le patron, lisant dans les yeux noirs d’Alida que l’anecdote promise excitait son intérêt.

Mais le visage de l’étranger devint tout à coup sérieux. Il secoua la tête comme une personne qui a des raisons pour garder le silence, et, abandonnant le timon, il obligea tranquillement un compatriote qui bâillait, assis au milieu du bateau, de lui céder sa place, et, s’étendant de toute sa longueur, il croisa ses bras sur sa poitrine et ferma les yeux. En moins de cinq minutes, tous ceux qui l’entouraient acquirent la preuve évidente que cet étrange fils de l’Océan était plongé dans un profond sommeil.