Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/67

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sans entrer en conférence là-dessus, et peut-être, malgré votre jactance, ils ne valent pas la peine qu’on les demande.

— Il est inutile de pousser les choses à l’extrémité entre nous, capitaine Ludlow, reprit l’étranger qui avait paru réfléchir pendant quelques instants. Si je vous ai poursuivi aujourd’hui, c’était peut-être pour rendre moins incontestable mon mérite d’entrer librement sur le vaisseau. Nous sommes ici seuls, et Votre Honneur pensera que ce n’est point une vanterie, lorsque je dirai qu’un homme bien constitué et actif, qui compte près de six pieds depuis les bordages jusqu’aux carlingues, ne se laissera pas traîner contre sa volonté comme une chaloupe à la remorque à la poupe d’un vaisseau de quarante-quatre. Je suis un marin, et quoique l’Océan soit ma demeure, je ne n’aventure jamais sur les flots sans y être sur un bon pied. Regardez au large de cette montagne, et dites-moi s’il y a quelque autre bâtiment en vue, outre le croiseur de la reine, qui pût satisfaire les désirs d’un matelot au long cours ?

— Vous voudriez me faire comprendre par-là que vous êtes ici en quête de service ?

— Rien de moins ; et quoique l’opinion d’un simple matelot soit de peu de valeur, j’espère que je ne vous déplairai pas en vous disant que je pourrais regarder plus loin sans trouver un bâtiment plus joli et meilleur voilier que celui qui est sous vos ordres. Un marin dans votre position, capitaine Ludlow, sait fort bien qu’un homme parle différemment lorsque son nom lui appartient, ou qu’il l’a abandonné à la couronne, et j’espère que vous ne vous rappellerez plus dans la suite la liberté que je montre à présent.

— J’ai rencontré plus d’une fois des gens de votre humeur, mon ami, et je savais avant aujourd’hui qu’un matelot de bâtiment de guerre est aussi impudent à terre qu’il est obéissant à bord. Est-ce une voile qu’on découvre là-bas en pleine mer, ou l’aile d’un oiseau aquatique qui brille au soleil ?

— Ce peut-être l’une ou l’autre, observa l’audacieux marin, en tournant son regard tranquille vers la pleine mer ; car de ce promontoire nous avons une vue immense. Voilà des mouettes jouant sur les vagues, et elles tournent leurs ailes vers la lumière.

— Regardez plus loin en haute mer. Ce point blanc brillant doit être la voile de quelque bâtiment voguant au large ?

— Rien de plus probable par un vent aussi frais. Vos bâtiments