Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/109

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— Et qui es-tu ? demanda-t-il à un troisième lorsque le second eut imité l’adresse de celui qui l’avait précédé.

— Je m’appelle Gino de Calabre, gondolier en service particulier.

— Quel est le seigneur que tu sers ?

— L’illustre et très-excellent don Camillo Monforte, duc et seigneur de Sainte-Agathe à Naples, et de droit sénateur à Venise.

— On dirait, à ta connaissance des lois, que tu viens de Padoue, l’ami ? Mets-tu tes espérances de succès dans le nom de celui que tu sers ?

Il y eut un mouvement parmi les sénateurs lorsque Gino fit sa réponse, et le valet intimidé s’imagina qu’il apercevait du mécontentement sur plus d’un visage. Il regarda autour lui, cherchant celui dont il avait vanté la noblesse, afin qu’il vînt à son secours.

— Nommeras-tu celui en qui tu mets ta confiance ? reprit le héraut.

— Mon maître, murmura Gino effrayé, saint Janvier et saint Marc.

— Tu seras bien défendu : si les deux derniers te manquent, tu peux certainement compter sur le premier.

— Le signer Monforte a un nom illustre, et il est le bienvenu aux amusements de Venise, observa le doge en s’inclinant légèrement vers le jeune seigneur de Calabre, qui était assez près de là dans une gondole élégante, regardant cette scène avec un grand intérêt.

Camillo répondit à cette interruption aimable des plaisanteries du héraut par un profond salut, et la cérémonie continua.

— Prends place, Gino de Calabre, et qu’un heureux destin soit le tien ! dit l’officier. Puis se tournant vers un autre, il ajouta d’un air surpris : Eh quoi ! te voilà ici ?

— Je viens pour essayer la rapidité de ma gondole.

— Tu es trop vieux pour une pareille lutte. Réserve tes forces pour tes travaux de chaque jour. Il ne faut point écouter une ambition mal avisée.

Le nouvel aspirant avait amené sous la galerie du Bucentaure une gondole de pêcheur d’une forme assez élégante, mais qui portait les traces de ses travaux journaliers. Il reçut cette rebuffade avec douceur, et il allait retourner sa gondole d’un air triste et humilié, quand un signe du doge arrêta son bras.