Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/194

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— Peuvent-ils vouloir nuire à un homme qui cherche son enfant ?

— Si tu étais un grand, un homme considéré, ils mineraient sourdement ta fortune et ta réputation avant que tu pusses mettre leur système en danger. Mais comme tu es pauvre et faible, ils te proscriront sans cérémonie, à moins que tu n’uses de modération. Je te préviens qu’il faut, avant tout, qu’ils maintiennent leur système.

— Dieu le souffrira-t-il ?

— Nous ne pouvons entrer dans les secrets de Dieu, répondit le Bravo en faisant dévotement un signe de croix. Si son règne finissait avec ce monde, il y aurait de l’injustice à permettre le triomphe des méchants ; mais comme… Cette barque avance bien vite ! je n’en aime ni l’air ni les mouvements.

— Ce n’est point une barque de pêche, car il y a plusieurs rameurs et elle est couverte d’un dais.

— C’est une gondole de l’État ! s’écria Jacopo en se levant, et sautant dans sa barque, qu’il détacha de celle de son compagnon. Après avoir réfléchi un instant sur ce qu’il devait faire : — Antonio, ajouta-t-il, nous ferions bien de nous éloigner.

— Tes craintes sont naturelles, répondit le pêcheur d’un ton calme ; et je te plains mille fois d’avoir raison de craindre. Mais un aussi bon rameur que toi a encore le temps de gagner de vitesse sur la meilleure gondole qui soit dans nos canaux.

— Vite, vieillard, lève ton ancre et pars. Mon œil est sûr ; je connais cette barque.

— Pauvre Jacopo ! quel fléau qu’une mauvaise conscience ! Tu as été serviable envers moi dans le moment du besoin ; et si les prières d’un cœur sincère peuvent t’être utiles, elles ne te manqueront point.

— Antonio ! s’écria le Bravo en donnant quelques coups de rames, et en s’arrêtant ensuite un instant comme un homme indécis, je ne puis rester un moment de plus. Ne te fie pas à eux, ils sont faux comme les démons ; mais il n’y a pas de temps à perdre, il faut que je parte.

Le pêcheur murmura une exclamation de pitié, et lui fit ses adieux par un geste de la main.

— Bienheureux saint Antoine, ajouta-t-il en priant à haute voix, veille sur mon enfant, et ne permets pas qu’il mène jamais