Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/212

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de consulter le goût de sa nouvelle maîtresse sur la couleur d’une robe.

— Fais ce que tu voudras, ma fille, dit Violetta avec impatience ; tu connais le lieu qu’on me destine pour retraite, et tu peux juger du costume qui y est convenable. Hâte tes préparatifs, afin que je n’occasionne aucun délai. — Enrico, conduisez ma nouvelle suivante à ma garde-robe.

Annina se retira à contre-cœur, car elle avait trop d’astuce pour ne pas se méfier de cette soumission inattendue à la volonté du Conseil, et pour ne pas s’apercevoir que ce n’était qu’avec déplaisir que Violetta la voyait s’acquitter de ses nouveaux devoirs. Cependant, comme le fidèle domestique de donna Violetta restait à son côté, elle fut obligée d’obéir, et elle se laissa conduire à quelques pas de la porte ; mais, prétendant tout à coup se rappeler une nouvelle question qu’elle avait à faire, elle fit un tour en arrière avec tant de rapidité, qu’elle était dans la chambre avant qu’Enrico eût pu prévoir son intention.

— Ma fille, dit le moine d’un ton sévère, va exécuter tes ordres, et ne nous interromps pas plus longtemps. Je vais confesser cette pénitente, qui peut avoir à désirer longtemps les consolations de mon ministère avant que nous nous revoyions. Si tu n’as rien d’urgent à nous dire, retire-toi avant de donner à l’Église un sujet sérieux d’offense.

La sévérité du ton du carme, et son air de commandement, quoique mêle d’humilité, imposèrent à Annina. Sa hardiesse trembla sous les regards du moine ; et dans le fait, elle fut épouvantée du risque qu’elle courait, si elle blessait des opinions si profondément enracinées dans tous les esprits ; ses habitudes superstitieuses ne pouvaient l’en mettre elle-même à l’abri. Elle murmura quelques mots d’excuse, et finit par se retirer ; mais avant de fermer la porte, elle jeta encore autour d’elle un autre regard annonçant l’inquiétude et le soupçon.

Après son départ, le moine fit un geste pour recommander le silence à don Camillo, qui avait à peine pu réprimer son impatience jusqu’à ce qu’Annina fût partie.

— Sois prudent, mon fils, lui dit-il à demi-voix ; nous sommes au milieu de la trahison. Dans cette malheureuse ville personne ne peut savoir à qui il doit se fier.

— Je crois que nous sommes sûres d’Enrico, dit donna Florinda,