Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/299

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Gelsomina ne répondit rien. Elle resta les yeux baissés, et ses joues ordinairement pâles s’animèrent d’une vive couleur.

— Je me suis méprise sur ton caractère, dit donna Florinda remettant ses sequins dans sa bourse, et prenant les mains de la jeune fille. Si je t’ai blessée par mon offre indiscrète, tu dois l’attribuer à la crainte que nous avons de la honte dont nous serions couvertes si nous étions vues dans un pareil lieu.

Gelsomina rougit encore davantage, et ses lèvres tremblèrent.

— Est-ce donc une honte d’être innocemment dans ces murs, Madame ? demanda-t-elle en détournant encore les yeux. Je l’ai longtemps soupçonné, mais personne ne me l’avait encore dit.

— Santa Maria ! pardonne-moi. Si j’ai dit un seul mot qui ait pu t’affliger, excellente fille, sois bien sûre que c’est involontairement et sans intention.

— Nous sommes pauvres, Madame, et le besoin oblige à faire même des choses qui répugnent ; mais je comprends vos craintes, et je prendrai des mesures pour que votre présence ici reste un secret. Cependant la bienheureuse Marie pardonnera de plus grands péchés que celui que vous avez commis en entrant ici.

Tandis que les deux dames étaient émerveillées de trouver tant de délicatesse et de sensibilité dans un pareil lieu, la jeune fille sortit.

— Je ne me serais pas attendue à cela dans une prison ? s’écria Violetta.

— Comme tout n’est pas noble et juste dans un palais, de même il ne faut pas condamner sans preuve tout ce qui se passe dans une prison. Mais cette fille est vraiment extraordinaire pour sa condition, et nous devons des actions de grâces au bienheureux saint Théodore de nous l’avoir fait rencontrer.

— Pouvons-nous faire mieux que de la prendre pour confidente et d’en faire notre amie ?

La gouvernante était plus âgée que son élève, et moins disposée à se fier aux apparences ; mais l’imagination plus vive et le rang supérieur de Violetta lui avaient donné une influence à laquelle Florinda ne pouvait pas toujours résister. Gelsomina revint avant qu’il eût été possible de discuter la prudence de la proposition de donna Violetta.

— Tu as un père, Gelsomina ? demanda la jeune héritière vénitienne en prenant la main de la jeune fille.