Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/55

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dangereux de tous tes ennemis : et, tu te plains d’une destinée à laquelle toutes les personnes de ton sexe et de ton rang sont forcées d’obéir !

— Si j’ai offensé la Providence, je m’en repens, répondit Violetta ; mais certainement ce serait un bonheur pour une fille de seize ans, si les pères de l’État étaient assez occupés d’affaires plus importantes pour oublier sa naissance, son âge et jusques à sa fortune.

— Il y aurait peu de mérite à être satisfait d’un monde qui serait arrangé suivant nos propres caprices ; et il est douteux que nous fussions plus heureux, toutes choses étant suivant nos désirs, que nous ne le sommes étant obligés de nous soumettre à ce qui est. L’intérêt que la république prend à ton sort, ma fille, est le prix que tu paies pour la richesse et la magnificence dont tu es entourée. Une femme plus obscure et moins favorisée de la fortune pourrait jouir d’une plus grande liberté ; mais cette liberté ne serait point dotée de la pompe qui orne la demeure de tes ancêtres.

— Je désirerais qu’il y eût dans cette demeure moins de luxe et plus de liberté.

— Le temps te donnera des idées différentes. À ton âge, on voit tout couleur d’or, et on croit son existence désenchantée lorsqu’on est traversé dans ses désirs irréfléchis. Je ne nie pas cependant que les avantages dont tu jouis n’aient leurs inconvénients. Venise est, gouvernée par une politique toujours intéressée, et peut-être, dit-on, incapable de remords. (Ici la voix du carme s’affaiblit, et avant de continuer, il jeta un regard inquiet autour de lui.) La prudence du sénat se fait un devoir de prévenir, autant qu’il se peut, l’union d’intérêts qui non seulement peuvent se nuire entre eux, mais encore mettre en danger ceux de l’État. Ainsi, comme je te l’ai déjà dit, aucun sénateur ne peut posséder des terres hors des limites de la république ; une personne de haute naissance ne peut pas non plus se lier par le mariage à un étranger d’une influence dangereuse, sans le consentement du sénat. Telle est ta situation. Parmi les différents seigneurs venus du dehors qui aspirent à ta main, le conseil n’en volt aucun auquel il puisse accorder cette faveur sans créer ici une influence qui ne doit pas être donnée à un étranger. Don Camillo Monforte, le cavalier auquel tu dois la vie, et dont tu