Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/58

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et un pressentiment prophétique ; mais la charité adoucit bientôt l’expression de ces deux sentiments.

— La reconnaissance que tu épreuves pour celui qui t’a sauvé la vie, dit-il avec douceur, convient à ton rang et à ton sexe ; c’est un devoir. Conserve ce sentiment, car il est lité à la sainte gratitude qu’un homme doit à son Créateur.

— Une reconnaissance stérile est-elle suffisante, mon père ? demanda Violetta. Une personne qui porte mon nom et qui est apparentée comme moi pourrait faire davantage. Nous pouvons intéresser les patrices de ma famille en faveur d’un étranger, afin que son procès ait une heureuse issue.

— Prends garde, ma fille. L’intercession d’une personne au sort de laquelle la république s’intéresse si vivement peut susciter à don Camillo des ennemis au lieu d’amis.

Donna Violetta gardait le silence, tandis que le moine et donna Florinda la regardaient avec tristesse. Le premier venait d’ajuster son capuchon et se disposait à partir. La noble jeune fille s’approoha du carme, et, le regardant avec une confiance naïve, mais respectueuse, elle lui demanda sa bénédiction. Lorsque cette action solennelle et habituelle fut accomplie, le moine se tourna vers la compagne de sa pénitente. Donna Florinda laissa tomber sur ses genoux la soie à laquelle elle travaillait, et resta silencieuse tandis que le carme levait ses mains ouvertes sur sa tête courbée. Les lèvres du moine s’agitèrent, mais les paroles qu’il prononça ne furent point entendues. Si la jeune fille confiée aux soins de ces deux personnes eût été moins absorbée par ses propres sentiments, on plus versée dans les mystères du monde dans lequel elle était sur le point d’entrer, il est probable qu’elle eût découvert une profonde et douce sympathie dans le silence de son père spirituel et de son institutrice.

— Tu ne nous oublieras pas, mon père, dit Violetta avec vivacité ; l’orpheline au sort de laquelle la république s’intéresse si sérieusement a besoin de tous les amis sur qui elle peut compter.

— Que Dieu te protège, ma fille ! dit le moine, et que la paix de l’innocence soit avec toi

Il salua encore de la main, et, se détournant, il quitta l’appartement. Les yeux de donna Florinda suivirent les vêtements blancs du moine jusqu’à ce qu’ils devinssent invisibles ; et, lorsqu’ils retombèrent sur son ouvrage, ils se fermèrent un instant, comme