Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/239

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— Soit, dit Berchthold, je ne contesterai jamais la nécessité de renverser une ruche de frelons paresseux.

— Je ne les appelle ni frelons ni paresseux, jeune Berchthold, et je ne viens pas pour renverser leur ruche, mais simplement pour montrer au monde que celui qui veut se mêler des affaires de Duerckheim a besoin d’une leçon qui lui apprenne à ne pas mettre le pied sur les terres de son voisin.

— C’est très-bien, et voilà qui fera grand honneur à notre ville, dit le forgeron ; et pendant que nous y sommes, c’est bien dommage que nous ne donnions pas la même leçon à l’électeur, qui a élevé de nouvelles prétentions sur nos épargnes.

— Avec l’électeur, l’affaire ne peut pas être discutée ; car ses arguments sont d’une nature trop forte pour que nous puissions déployer notre courage pour soutenir le principe de non-intervention Ces points de droit subtils ne peuvent pas s’apprendre à côté de l’enclume, il faut un génie profond pour les saisir ; mais ils n’en sont pas moins clairs… pour ceux qui ont le talent de les comprendre. Je parierais qu’ils ne te paraissent point tels, bon Dietrich ; mais si tu étais une fois du conseil de la ville, tu envisagerais tout différemment la question.

— Je n’en doute pas, mon bourgmestre, je n’en doute nullement. Si un pareil honneur pouvait jamais descendre sur un homme de mon état et de mon nom, — himmel ! le conseil me verrait prêt à croire à toutes les subtilités de ce genre ; que dis-je ? à toutes les subtilités du monde.

— Ah ! voilà une lumière à cette lucarne, s’écria Berchthold ; bon ! tout va bien.

— Avez-vous un ami dans l’abbaye ?

— Chut ! herr bourgmestre ; ceci frise l’excommunication. — Mais j’aime beaucoup cette lumière.

— Silence ! dit tout bas Heinrich à ceux qui étaient derrière lui, et qui répétèrent cet ordre à leurs compagnons ; — nous approchons.

La troupe était alors au pied du rocher ; rien n’indiquait encore qu’on se fût aperçu de leur marche, à moins qu’on ne regardât comme un signal la lampe solitaire qui était placée à une lucarne. Au contraire, ce morne silence, déjà décrit lors de l’approche d’Ulrike, semblait régner dans toute l’étendu du vaste édifice ; mais ni Heinrich ni son compagnon n’aimaient ce calme effrayant ;