Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/293

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que les flammes ne sauraient l’atteindre. Vous savez que j’ai des amis, et il ne serait pas facile de mettre au ban de l’empire un comte de Leiningen.

— Aussi, noble seigneur, n’est-ce point pour vous ni pour votre illustre famille que nous sommes en peine, mais c’est pour nous-mêmes que nous tremblons.

— Vous n’avez qu’à vous appuyer sur moi, maître Frey. Quand les liens qui nous unissent seront mieux connus de l’empereur et de la diète, et qu’on ne pourra douter de la bienveillance réciproque que nous nous portons, on saura alors qu’attaquer Duerckheim, ce serait m’attaquer moi-même. Mais d’où viennent donc ces soudains alarmes ? Les derniers rapports que j’ai reçus annonçaient que les habitants de Duerckheim étaient pleins de cœur, et qu’ils étaient plus disposés à se joindre à Luther qu’à aller à confesse.

Saperment ! il ne faut pas toujours juger du cœur par la figure ! voilà un forgeron qui n’a pas souvent le teint très-clair ; mais ce serait lui faire une sensible injure, que de dire que son cœur est aussi noir que son visage.

Un léger murmure trahit l’admiration des assistants, à cette figure oratoire du bourgmestre.

— Il faut qu’il y ait en quelque motif pour un découragement si subit ! reprit le comte en jetant un regard d’indifférence du côté des artisans.

— Mais, à vous parler franchement, seigneur Emich, Boniface nous a envoyé une missive, écrite en très-bon latin, et en caractères superbes, par laquelle il nous menace tous, jusqu’au dernier, de toutes les peines qui peuvent affliger un chrétien, depuis la peste jusqu’à la damnation éternelle.

— Comment ! Henrich, un griffonnage inintelligible vous trouble si fort ?

— Inintelligible ! seigneur comte ; je ne vois rien que de très-clair dans ce qu’ils demandent, que Heinrich Frey, et onze de nos plus respectables bourgeois, soient donnés en otages, sans doute pour être confinés dans quelque cloître, soumis à une diète rigoureuse et aux plus rudes pénitences. Puis c’est de l’or à payer, des pèlerinages à faire ; enfin, une foule de saints amusements qui nous attendent.

— Et par qui cette lettre vous a-t-elle été remise ?