Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’abbé de Limbourg écoutait avec une secrète satisfaction, car il avait des vues que cette proposition favorisait ; il allait donner son assentiment lorsque Arnolph l’interrompit :

— Il y a des personnes nobles parmi les pèlerins qui m’ont accompagné, révérends abbés, dit-il, et il s’en trouve aussi qui méritent d’être plus que nobles, si la plus profonde humilité chrétienne peut prétendre à l’estime des hommes. Je ne viens pas vous parler d’Emich d’Hartenbourg, mais de cœurs brisés, et pour vous demander en leur faveur les prières de l’Église.

— Nommez-les, mon père, et soyez certain que ces personnes seront bien reçues. Mais il est déjà tard, et les offices de demain ne doivent point interrompre les devoirs de l’hospitalité.

— Ceux dont je parle, dit Arnolph avec un chagrin visible, sont déjà à la porte ; si vous les admettez, ils pourront mieux exprimer leurs désirs.

L’abbé fit signe qu’il consentait à recevoir les visiteurs, et le prieur se hâta de les faire entrer. Lorsqu’il reparut, il était suivi d’Ulrike, de Lottchen et de Meta. Les deux abbés parurent surpris ; car ils n’avaient pas assez de confiance en eux-mêmes pour admettre des personnes du sexe féminin, à une heure aussi indue, dans la partie la plus retirée du couvent ; ils comptaient peu sur la sécurité de l’innocence.

— Ceci est contre nos usages ! s’écria le supérieur d’Einsiedlen. Il est vrai que nous avons nos privilèges, pieux Arnolph, mais on ne doit en user qu’avec discrétion.

— Ne craignez pas, saint abbé, répondit Arnolph avec calme ; cette visite sera aussi innocente que les cœurs de celles que je viens de nommer. Parlez ! vertueuse Ulrike, et faites connaître vos désirs.

Ulrike fit le signe de la croix, après avoir jeté un regard de tristesse sur les pâles visages de sa fille et de son amie :

— Nous sommes venus dans votre sainte demeure, prince abbé, dit-elle avec lenteur comme une personne qui craint l’effet de ses propres paroles, comme des pénitents, des pèlerins, reconnaissant nos fautes, afin d’expier un grand crime et d’implorer le pardon du ciel. Le pardon de ces fautes nous a été promis par l’Église, et par un être plus puissant encore, si nous apportions des cœurs contrits. Sous ce rapport, nous avons maintenant peu de choses à offrir, puisque notre pieux guide, le bon et savant