Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/47

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bles qui étaient placés dans sa hutte. Ceux qui savaient quitté le Camp inhabité une semaine auparavant, en revenant la semaine suivante l’avaient trouvé occupé par un homme qui avait arrangé un des bâtiments abandonnés de manière à s’y faire un abri contre les tempêtes, et qui, en plaçant un crucifix à sa porte, annonçait suffisamment le motif de sa solitude. Il était ordinaire que l’établissement d’un ermite dans un canton fût regardé comme un événement propice, et bien des espérances étaient excitées, bien des plans ayant un but temporel formés pour obtenir leur réussite par l’intervention des prières de l’ermite, avant que sa présence eut été connue depuis plus de quinze jours. Tout ce qui demeurait dans les environs du Camp, excepté Emich de Leiningen-Hartenbourg, les bourgmestres de Ducrekheim et les moines de Limbourg, apprit l’arrivée de l’ermite avec satisfaction. Le baron hautain et guerrier avait un préjugé contre tous les dévots, provenant de la haine héréditaire qu’il portait au couvent voisin, qui contestait depuis des siècles à sa famille la souveraineté de la vallée ; et les magistrats avaient une jalousie secrète contre toute influence que l’habitude ou les lois n’avaient pas rendue familière. Quant aux moines, le motif de leur défiance pouvait être trouvé dans cette faiblesse de la nature humaine, qui nous fait paraître pénible d’être surpassé dans un genre de mérite dont nous faisons une profession spéciale, bien qu’une sainteté supérieure en soit le but. Jusqu’à ce moment, l’abbé de Limbourg avait été le juge en dernier ressort de toutes les contestations entre le ciel et la terre ; et comme sa suprématie avait la sanction du temps, il en avait joui maintes années avec cette insouciante sécurité qui trompe tant d’hommes puissants jusqu’au moment de leur chute.

Cette antipathie de la part d’hommes revêtus de pouvoir aurait pu rendre la vie de l’anachorète fort désagréable, sinon exposée à quelque danger, sans l’effet neutralisant d’une force antagoniste mise en mouvement. Les préjugés, renforcés par la superstition, présentaient leur bouclier devant la modeste cabane, et des mois s’écoulèrent après l’arrivée de l’étranger, pendant lesquels il ne reçut d’autres témoignages des sentiments excités par sa présence, que ceux qui avaient rapport au respect de la masse du peuple. Une entrevue accidentelle avec Berchthold avait produit une intimité entre l’ermite et le jeune forestier, et, comme on le verra